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enfant d’une dizaine d’années qui s’était laissé entraîner par les menaces des conjurés.

Depuis que la révolte avait commencé, ce mousse ne faisait plus que pleurer et se lamentait en tremblant de tous ses membres.

Les meurtres si atroces, si cruellement accomplis sous ses yeux, lui avaient presque donné envie de se révolter contre les révoltés.

Mais la peur de la mort l’emporta sur ses instincts généreux.

Elle le retint.

On se remit enfin à débarrasser le pont des cadavres qui l’encombraient.


VIII

L’ABANDON

Les deux Espagnols qui survivaient, portant chacun un fanal, examinaient avec le plus grand soin tous les cadavres les uns après les autres.

Cet examen passé, des matelots les saisissaient, les enlevaient et les jetaient à la mer.

À mesure que ses recherches, tiraient à leur fin, le plus jeune des deux négociants devenait de plus en plus nerveux.

— Voilà qui est étrange, Marcos !

— Parlez, señor, répondit celui-ci avec une nuance de respect, quoiqu’il eût l’ordre de traiter ostensiblement d’égal à égal avec la personne qui lui adressait la parole.

L’autre se contenta d’éponger, avec un mouchoir de batiste brodée, la sueur froide qui perlait sur son front.

Il reprit ensuite :

— Je ne reconnais aucun de ces hommes.

— Ni moi.

— Comment cela se peut-il faire ?

— Je l’ignore ; à moins que…

— Quoi ?

— À moins que ceux que nous cherchons ne se trouvent parmi les premiers matelots qu’on a jetés à la mer.

— Non, ils ne s’y trouvaient pas.

— Vous les avez regardés, señor ?

— Oui.

— Alors, je m’y perds.

— Sa bonne étoile l’a encore protégé contre moi ! répliqua le plus jeune des deux hommes avec une rage difficilement contenue.

— Peut-être sont-ils cachés dans quelque coin ou recoin du navire ?

— Non, on les aurait découverts… depuis le temps qu’on fait des