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Voici pour l’aile droite :

Au premier, communiquant avec les appartements du vicomte de Luz, ceux de la vicomtesse sa mère, et de Mlles Laure et Angèle de Luz, les sœurs de René.

Laure, adorable brune de dix-huit ans, offrait un contraste frappant avec Angèle, blonde figure de keepsake, qui venait à peine d’atteindre sa quinzième année.

Mais laissons, pour le moment, de côté les dames de Luz.

Nous aurons avant peu à nous en occuper plus spécialement et dans de plus grands détails.

Les trois étages ascendants renfermaient une foule de petits ménages de commis de magasin et d’employés, tous plus insignifiants les uns que les autres.

Sautons-les et arrivons de plain-pied au palier du cinquième.

Sur ce palier, espèce de long corridor, s’ouvraient quatre portes se faisant vis-à-vis, deux par deux, et une cinquième tenant la tête du couloir, au fond.

Les deux premières appartenaient à deux jeunes filles.

Les deux secondes, leur faisant face, à deux étudiants.

Chacun de ces petits logements se composait d’une chambre et d’un cabinet.

Seul, le logement du fond possédait trois pièces et une antichambre.

Une carte de visite, soigneusement clouée sur la porte d’entrée au moyen de quatre pointes à tête dorée, apprenait aux voisins et aux visiteurs que M. Charles Lenoir en était l’heureux locataire.

Ce M. Lenoir était, disait-on, commis-voyageur d’une grande maison d’exportation ; ses affaires le forçaient à être constamment par voies et par chemins.

Durant ses courts séjours à Paris, il sortait régulièrement le matin à sept heures précises, pour ne rentrer que très avant dans la nuit.

Jeune encore, d’une physionomie avenante, il recevait peu de visites ; et, parmi ses visiteurs, nul ne pouvait se vanter d’avoir dépassé la première pièce, sorte de salon, servant au besoin de salle à manger.

Excellent voisin, du reste, M. Charles Lenoir avait conquis les sympathies de tout son entourage.

Comment s’y prit-il ? Nul ne le devina, mais il parvint à obtenir du farouche concierge de la maison que celui-ci daignât faire son ménage.

Exception remarquable et remarquée par tous les autres locataires, devant lesquels cet important personnage ne parlait jamais de M. Lenoir que son bonnet de police à la main.

Au sixième, dans un taudis loué trente-cinq francs par an, demeurait notre vieille connaissance la Cigale.

Le débardeur s’entendait à merveille avec ledit concierge, dont parfois il gardait la loge.

Quelques mots maintenant sur ce concierge, qui n’est pas le moindre de nos personnages, et dont la vie, si modeste en apparence, cache un passé plein d’héroïsme et un présent sublime de dévouement et de fidélité.