Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/296

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— Ce n’est pas possible, répondit Rosette.

— Faites excuse, monsieur Lenoir, murmura le vieux sergent à l’oreille du maître de la maison.

— De quoi faut-il t’excuser, mon brave ?

Mlle Pâques-Fleuries m’a chargé de vous remercier pour elle, mais elle ne viendra pas.

— Hein ? quoi ? que dit-il ? ce n’est pas vrai.

Ces quatre exclamations retentirent à la fois en réponse à l’assertion imprudente, inattendue, du père Pinson.

Mais celui-ci impassible, la main à son bonnet de police, attendait que M. Lenoir l’interrogeât.

La Pomme n’en laissa pas le temps à ce dernier.

Rejetant vivement sur la table la serviette qu’elle avait déjà placée sur ses genoux, elle se leva, et, se dirigeant vers la porte, elle l’ouvrit en s’écriant :

— Elle se tuera ! le dimanche gras ! C’est aussi par trop fort !

— Qu’y a-t-il ? demanda M. Lenoir.

— Il y a que, sous prétexte d’un travail pressé, ma sœur ne viendra pas, et que je n’entends pas cela. D’abord, je ne mangerai pas seulement la queue d’un radis avant qu’elle ne soit venue nous rejoindre.

— Ni moi.

— Ni moi.

Firent les deux jeunes gens.

M. Lenoir, souriant dans sa barbe, se leva, et prenant la main de la Pomme, qu’il mit sous son bras :

— Venez avec moi, mademoiselle Rosette, lui dit-il, donnez-moi le bras, ce sera bien le diable si, à nous deux, nous ne lui faisons pas changer de résolution.

— C’est cela. Allons la chercher.

— Tous en chœur ? demandèrent les jeunes gens.

— Non pas ; mon voisin et moi nous suffirons.

— Allons, allons, fit M. Lenoir.

Et ils sortirent tous deux, pendant que le vieux sergent murmurait à part lui :

— Par le flanc droite ! arche !… mais sacrebleu ! on ferait mieux de la laisser tranquille dans son nid, c’te pauvre jeunesse.

La chambre habitée par Pâques-Fleuries était petite et modestement meublée en bois peint.

Mais les quatre chaises, le buffet et la table à ouvrage qui en composaient l’ameublement, reluisaient comme un miroir, et portaient l’empreinte d’une inaltérable propreté.

À la fenêtre, dans une cage garnie d’eau, de mouron et de chènevis, chantaient deux jolis pinsons.

C’était le vieux concierge qui les avait apportés à la jeune fille le premier jour où elle l’avait nommé : Mon père Pinson.

Pâques-Fleuries s’était arrangée une chambre à coucher dans son petit salon.

De la sorte, sa première chambre, donnant sur le carré, formait salon et cabinet de travail à la fois.