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— Mon Dieu ! mon voisin, dit Pâques-Fleuries en essayant une dernière résistance, vous êtes bien aimable, mais je suis souffrante, un peu triste…

— Triste ! pourquoi ?

— Je ne sais… mais je craindrais d’être un trouble-fête.

— Est-ce un compliment que vous demandez ? répondit M. Lenoir… Il ne sera pas difficile à trouver.

— Oh ! non… ce n’est pas cela.

— Alors, venez, chère enfant… ne vous faites pas prier davantage…

— C’est déjà gentil comme ça, ajouta la Pomme avec une ironie amicale ; mademoiselle veut qu’on se mette à ses genoux ?… Eh bien ! m’y voici.

Elle allait s’y mettre.

Pâques-Fleuries la retint.

— Vous êtes tous deux mille fois trop bons.

— Alors, viens.

— Nous tâcherons de vous distraire, ajouta M. Lenoir. D’ailleurs, si vous vous sentez fatiguée, vous serez libre de vous retirer.

— Et personne ne retiendra mademoiselle ! fit la Pomme d’un air digne et piqué.

— Monsieur, je vous remercie.

— Acceptez, c’est le seul remercîment que je vous demande.

— J’accepte, pour ne pas vous retenir plus longtemps.

— Coquette ! cria la Pomme.

Et embrassant une dernière fois sa sœur, elle l’entraîna hors de sa chambre.

M. Lenoir suivit les deux jeunes filles, moitié souriant, moitié attendri.


III

CHEZ M. LENOIR

Tous les convives de M. Lenoir étaient à table.

Un siège seul restait inoccupé.

Les quatre jeunes gens se demandaient quel pouvait être le retardataire.

À ce moment, le vieux concierge entra.

Il apportait une omelette, dorée sur toutes les coutures.

Une fois l’omelette servie :

— Sergent, dit M. Lenoir en montrant du doigt la chaise vide qui se trouvait de l’autre côté de la table, juste en face de lui, sergent, asseyez-vous là.

Le vieillard le regarda sans comprendre.

— Prenez cette chaise, répéta le maître du logis, et déjeunez avec nous.

— Qui ça, moi, monsieur Lenoir ? demanda-t-il timidement.

— Oui, vous, mon brave.