Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ajouta entre ses dents ces vers de la prophétie qu’il avait coutume de chanter dans ses heures de solitude et de contemplation :

Na vern petra a c’hoarvezo ;
Pez ai zo dlect a vezo.

— Ce qui signifie ? s’écrièrent-ils en riant.

— Cela signifie, répondit le vieillard avec solennité :

Peu importe ce qui adviendra,
Ce qui doit être sera.

En ce moment, un hurlement lugubre monta de la cour jusqu’aux oreilles des convives de M. Lenoir.

Ils tressaillirent tous et se regardèrent avec une surprise mêlée d’effroi.

Seul, le père Pinson se versa un petit verre de kirsch et le but sans donner la moindre marque d’inquiétude.

Cela fait, il se remit à chantonner son refrain bas-breton :

Peu importe ce qui adviendra,
Ce qui doit être sera.


IV

OÙ ROSETTE COMMENCE SON HISTOIRE

Un second hurlement, semblable à une plainte prolongée, plus fort et plus lugubre que le premier, se fit entendre dans la cour de l’hôtel.

Pour le coup, Pâques-Fleuries n’y tint plus, et, se levant, elle se précipita du côté de la fenêtre. Rosette la suivit.

— Qu’est cela ? s’écria M. Lenoir.

— On assassine quelqu’un ici ! dit l’étudiant.

— Mon Dieu ! que se passe-t-il donc ? murmura à l’oreille de sa sœur, qui faisait bon visage à ce danger inconnu, Pâques-Fleuries, plus pâle encore que de coutume.

— Ne vous inquiétez pas de ces hurlements, mesdemoiselles, je sais ce que c’est, fit le sergent en hochant tristement la tête.

— Qu’est-ce ?

— C’est Hurrah !

— Votre chien ?

— Lui-même.

— C’est vrai, dit Rosette. Si c’est vous qu’il appelle ainsi, vous devriez bien lui donner un autre mot d’ordre. J’en ai encore le frisson.

— Vous n’y êtes pas, répondit le père Pinson. Hurrah ne m’appelle pas, il…