Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/359

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— Seulement, ajouta Rosette, qui n’aimait pas laisser trop longtemps parler les autres, seulement, depuis le jour où nos affaires se sont remontées sur un bon pied, ni-ni, fini, plus de Mme Dubreuil.

— Elle ne reviendra que si nous avons encore besoin d’elle, fit Pâques-Fleuries avec un soupir.

— Oh ! mais je la retrouverai, continua la Pomme en s’adressant à l’étudiant, qui la regardait d’un air pensif… et qui sait ? peut-être par elle apprendrai-je ?…

Puis, s’interrompant, elle ajouta de son ton le plus câlin :

— N’est-ce pas, monsieur Adolphe, que vous me conduirez ce soir même chez la sorcière ?

— Vous avez ma promesse. Comptez-y.

M. Lenoir allait encore placer une observation qui n’eût pas été du goût de Mlle Rosette, quand la porte s’ouvrit sans qu’on eût pris la précaution de frapper, et le vieux concierge parut sur le seuil.

Il avait monté très vite les nombreuses marches qui amenaient chez M. Lenoir ; était-ce la rapidité de son ascension ou l’émotion qu’il cherchait à dissimuler qui le faisait haleter ainsi ?

Le commis-voyageur se leva effrayé et lui demanda ce qu’il désirait.

— Monsieur Adolphe.

— Moi ! fit le jeune homme. Me voici.

— Qu’y a-t-il ?

— Venez vite, répondit le sergent… M. le vicomte de Luz se meurt. Il a des étouffements terribles. On ne sait que lui faire.

— Ah ! mon Dieu ! s’écrièrent les deux jeunes filles.

Le jeune homme ne fit qu’un bond de l’appartement de M. Lenoir à sa chambre.

Il y prit sa trousse et il descendit l’escalier quatre à quatre.

Le sergent le suivit de son mieux.

Au moment où Pâques-Flenries et sa sœur prenaient congé de M. Lenoir, celui-ci les retint sur le seuil de la porte et leur dit :

— Mesdemoiselles, j’ai une prière à vous adresser.

— Parlez.

— Vous avez bien voulu avoir confiance en moi, quoiqu’en somme je ne fusse qu’un étranger pour vous. Vous avez bien agi. Il existe une sympathie entre les honnêtes gens, et nous sommes honnêtes tous les trois. Je vous remercie toutefois de cette confiance, et je vous supplie de ne pas oublier les paroles que voici : Si jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, vous avez besoin de quoi ou de qui que ce soit, qu’on me croie dans mon appartement ou qu’on ne m’y croie pas, appuyez de cette façon le doigt sur la tête de ce clou presque imperceptible, et vous aurez aussitôt de mes nouvelles.

Tout en leur parlant ainsi, le commis-voyageur leur désignait une tête de clou placée dans un des chambranles de la porte.

— Vous le voyez, ajouta-t-il, confiance pour confiance. Surtout, pas un mot de ce que je viens de vous dire à âme qui vive.

« Il y va de vos intérêts les plus chers autant que des miens propres.