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IX

LA COMTESSE HERMOSA DE CASA-REAL

Avant de passer dans sa salle à manger, le comte de Warrens alla jusqu’au guéridon, sur lequel se trouvait son courrier du matin, et fourrageant parmi les lettres qui encombraient le plateau en argent, il en choisit une qu’il tendit au colonel Renaud.

— Qu’est-ce que cette lettre ? demanda celui-ci, qui était sur le point de quitter la chambre à coucher.

— Regarde-la d’abord, je te la lirai ensuite.

Martial jeta les yeux sur cette feuille de papier sale, jaunie, tachée en plusieurs endroits, et pliée de la façon la plus grossière.

— Je n’y vois rien que de peu attrayant, fit-il avec un mouvement de répulsion facile à expliquer.

— Si par attrayant tu entends curieux, tu te trompes, cher Martial.

— Voyons.

— Écoute !

Et il lut :


« À Monsieur B…,
« Marchand de vins, rue Jacob.
« Mon bon Passe-Partout..


— Tiens ! tiens ! tiens ! s’écria vivement Martial en se rapprochant de son frère. Qui peut t’écrire de ce gracieux style ?

— Tu vas le savoir.

Puis il recommença :


« Mon bon Passe-Partout…


Mais nos lecteurs ne comprenant pas l’argot, c’est une traduction de cette élégante missive que nous allons leur donner :


« Mon cher Passe-Partout,


« Le père Plumet, à qui je remets cette lettre, m’assure qu’il sait où tu demeures et qu’il te la remettra en main propre. Tu m’as tant fait gagner d’argent que je ne veux pas te trahir, ni te faire des sottises, à propos de la femme que tu avais placée chez moi. La nuit dernière, vers minuit, un étranger est venu à la maison ; il a longtemps causé avec cette femme. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait ensemble, mais finalement ils se sont sauvés sans me prévenir.