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LES COMPAGNONS DE LA LUNE

I

CE QUI SE PASSAIT DANS UN CABINET PARTICULIER DE LA RÔTISSEUSE BASSET, DANS LA NUIT DU SAMEDI AU DIMANCHE GRAS 1847

D’après de Saint-Foix, ce fut en 1619, quatre ans après la mort de la reine de Navarre, première femme du roi Henri IV, qu’on vendit son palais et ses dépendances.

Sur les terrains occupés par un parc ombreux et vaste, par des jardins magnifiques, se bâtirent les premiers et les plus beaux hôtels du quai Malaquais.

On y traça, entre autres voies de communication, la rue Jacob, la rue des Saints-Pères et celle des Petits-Augustins.

Jusque-là le faubourg Saint-Germain, immense village placé au milieu d’une grande cité, ne possédait que des maisons séparées entre elles par des vignes, des champs, des prairies.

À peine quelques rues tortueuses, étroites, mal pavées le traversaient-elles.

Il n’en est plus ainsi à l’époque où se passe notre récit.

Le quai Malaquais, l’un des plus aristocratiques quartiers de Paris, brille par l’élégance et le grandiose de ses demeures. Parmi les hôtels princiers qu’on y admire, se trouve l’hôtel Mazarin, successivement habité par la princesse de Conti, les ducs de Créqui, de la Trémouille et de Lauzun.

Le temps l’a respecté et le marteau des niveleurs ne s’est pas encore donné le plaisir de l’abattre.

Bien que cet hôtel ait extérieurement subi quelques changements importants, bien que des magasins d’estampiers et des boutiques de libraires se soient ouverts à gauche et à droite de son entrée principale, à l’intérieur il est demeuré à peu de chose près tel que le duc de Mazarin, cet excentrique neveu du cardinal-ministre, l’avait fait disposer après en être devenu le possesseur.

Les révolutions et les faiseurs d’affaires ont respecté cette habitation princière, qui, en 1845, devint la propriété d’un noble étranger, le comte de Warrens[1].

  1. Hôtel démoli en l’année 1849, et sur le terrain duquel a été élevé le palais de l’École des Beaux-Arts.