— Comme les deux doigts de la main. Je veux parler de mon index et de mon médium.
— Se quittent-ils souvent ?
— Oui, mais ils se retrouvent toujours.
— Qu’est-ce que c’est que ce la Cigale ?
— Une manière de géant qu’on pourrait montrer dans un café-chantant, fort comme un taureau et méchant comme un âne rouge ! répondit vivement M. Charbonneau, qui avait encore sur le cœur la dégringolade de Coquillard dans l’escalier de la Pacline.
— Vous avez déjà eu maille à partir avec lui, monsieur Charbonneau ? demanda innocemment la comtesse.
— Non pas.
— Vous êtes sûr de ?…
— Que la foudre m’écrase, madame la comtesse, si cet hercule raté à jamais eu affaire à M. Charbonneau.
En cela, l’agent de police ne mentait pas.
Le débardeur n’avait jamais eu l’occasion de se rencontrer avec lui que quand il portait le nom et les vêtements de l’agréable Coquillard.
— Est-il à Paris ? demanda la jeune femme.
— Qui, la Cigale ?
— Non, Passe-Partout.
— Certes, oui.
— Depuis quand ?
— Depuis trois mois.
— Que fait-il ?
— Il débarde sur les ports en compagnie de son inséparable.
— Débarder, qu’est cela ?
— Débarder, répliqua l’agent de police avec une condescendance pleine de supériorité, c’est défaire les trains de bois qui descendent la Seine, et ranger les bûches de toute taille sur le quai.
— Et vous pensez que Passe-Partout exerce réellement ce métier ?
— Je l’ai vu à l’ouvrage.
— Vous l’avez vu, de vos yeux…
— Je l’ai vu, dis-je, vu, ce qui s’appelle vu, répondit effrontément l’agent de M. Jules, qui ne manquait pas d’une certaine littérature, ayant failli devenir sous-chef de claque à l’Odéon, mais qui mentait comme un Scapin de bas étage, n’ayant rien vu du tout.
Mme de Casa-Real se contenta de cette assertion.
Elle continua de le questionner.
— Vous connaissez sa demeure ?
— Parfaitement.
— Donnez-moi son adresse.
— Rue d’Astorg, no 35.
— Bien. Il loge seul ?
— Il loge dans une soupente, que son ami et matelot, le généreux la Cigale, partage avec lui.