Charbonneau, remis de son alarme première, chercha à tourner la chose en vraie plaisanterie.
De la sorte, il pensait avoir bon marché de son antagoniste.
Il lui répondit le plus gaiement possible :
— Comment donc, mon bon monsieur, si je vous connais… mais je ne vous connais pas le moins du monde.
— Ah ! vous m’étonnez, dit avec une légère ironie l’homme au long manteau.
— Parce que ?
— Parce que, dans votre état, — vous remarquerez que je suis poli, — on doit connaître tout le monde.
— Ne confondons pas ! répliqua assez spirituellement l’agent de police, reconnaître oui, connaître non. Or, comme je ne vous ai jamais vu, mon bon ami…
— Je ne suis pas familier avec vous, maître Charbonneau ; veuillez bien prendre la peine de mettre des gants pour me tendre la main.
— Là ! là ! on en mettra. Ne nous fâchons pas.
— Vous avez raison.
— La manière dont notre présentations est faite me le prouve assez.
— Soyez convaincu que mon intention n’était nullement de vous blesser.
— Je n’en doute pas, mais toujours est-il que vous pourriez bien m’apprendre à qui j’ai affaire.
— Vous ne raisonnez pas juste, camarade. Si je porte bas la tête et haut mon manteau, c’est que je tiens à ne pas me laisser voir par un œil aussi clairvoyant que le vôtre.
— Merci bien.
— Si je ne tiens pas à ce que vous voyez mon visage, c’est que je ne désire pas vous apprendre avec qui vous allez traiter.
— Nous traitons donc ? fit vivement Charbonneau, qui flairait une bonne aubaine.
— Croyez-vous que je vous arrête en plein Champs-Élysées pour causer avec vous de la question d’Orient ?
— Je ne crois rien du tout ; je me consulte.
— Sur quoi ?
— J’entrevois dans votre démarche, essentiellement en dehors des us et coutumes, des propositions…
— Avantageuses.
— Avantageuses peut-être, subreptices à coup sûr, repartit majestueusement l’agent de police.
— Subreptices ?
— J’ai dit le mot.
— Je l’ai bien entendu, et comme rien ne me presse, que nul ne vient de ce côté, pour peu qu’il vous convienne d’en employer une demi-douzaine de cette force-là, je vous en donne l’autorisation.
— C’est gentil à vous. Je profiterai de la permission.
— Pour ?…