— Après cela, Mme la comtesse m’a demandé s’il serait possible de rencontrer Passe-Partout ?
— Et vous lui avez répondu ?
— Que tout était possible à une jolie femme comme elle.
— Monsieur Charbonneau, je commence à trouver que vous perdez beaucoup de paroles.
— Ne vous inquiétez pas de cela, cher monsieur, répondit modestement l’agent de M. Jules, j’ai un fonds de magasin qui de ce côté-là ne s’épuisera pas facilement.
— Gardez vos rossignols, et marchons droit au but ! répliqua sèchement son interlocuteur.
— Interrogez-moi, alors, dit Charbonneau, qui tenait, par le fait, à ne parler que le moins possible.
— Soit. Quand faciliterez-vous à Mme de Casa-Real sa rencontre avec l’homme en question ?
— Ce soir.
— À quelle heure ?
— Vers les neuf heures.
— Où ?
— Rue d’Angoulême-du-Temple.
— Dans quel lieu ?
— Chez un marchand de vin traiteur, à l’enseigne du Lapin courageux.
— Voilà qui est parlé, fit l’inconnu.
— Alors, vous m’autorisez à vous céder la place ? s’écria maître Charbonneau.
— Un instant, que diable ! répliqua l’autre en le retenant vigoureusement par le collet de sa redingote.
— Sapristi ! vous détériorez ma garde-robe, cria, l’agent de police, qui avait le faible de tenir à ses moyens de toilette, comme un peintre tient à ses pinceaux et à son chevalet. C’est inutile et c’est de mauvais goût. Que voulez-vous encore ?
— Je veux vous payer ma dette.
— Quelle dette ? répondit Charbonneau à demi ahuri par ces secousses successives et violentes.
— Le prix de vos renseignements.
— Mes cinq cents francs ! au fait, je les oubliais.
— Vous êtes généreux ! Je ne le serai pas moins que vous. Tenez.
Un instant après, un billet de cinq cents francs, sorti du portefeuille de l’inconnu, allait rejoindre dans le gousset de l’agent les vingt-cinq louis de la comtesse de Casa-Real.
Les relations devinrent alors plus faciles entre les deux hommes.
— Puis-je encore vous être agréable ? dit Charbonneau avec convoitise… Parlez, je suis tout prêt à me mettre à votre disposition.
— Je n’attendais pas moins de votre courtoisie, lui fut-il répondu. Non… je ne vois pas trop pourquoi je vous retiendrais plus longtemps.
— Adieu, alors.