Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/448

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— Bien, fit le colonel avec un sombre et froid sourire, tu as le courage de reconnaître et d’avouer ta faiblesse. À partir d’aujourd’hui, c’est moi, moi seul que cette affaire regardera.

Le comte ne répondit rien. Son frère lui laissa le temps de la réflexion.

Les deux cavaliers activèrent l’allure de leurs chevaux, si bien que cinq minutes s’écoulèrent avant qu’une parole fût échangée de nouveau entre eux.

— La comtesse t’a-t-elle parlé de sa fille ? demanda brusquement le colonel.

— Oui.

— Et tu lui as répondu ?…

— Qu’elle n’était ni n’avait le droit de se croire mère.

— Dure réponse !

— Dure, mais juste ! fit le comte d’une voix sourde.

— La recherche de son enfant est-elle le but de son voyage en France ?

— Je le crois.

— Le seul but ?

— C’est au moins son prétexte. Elle continuera à Paris ses menées tortueuses ; elle reprendra sa lutte contre…

— Contre l’association.

— Oui, fit M. de Warrens en baissant le ton de leur dialogue. Mais quels que soient les risques à courir contre une adversaire aussi séduisante…

— Et aussi peu scrupuleuse ! Elle ne reculera devant aucun moyen pour réussir dans ses recherches et pour se venger de toi, de tes amis.

— Je le sais. Mais pouvais-je rendre l’enfant ?

— Tu ne le devais pas. Ah ! elle veut la lutte, cette douce sirène ! Ah ! elle prétend nous dompter, nous fouler sous ses pieds mignons ! Va pour la lutte, aussi bien dans l’ombre qu’au grand soleil. Noël, tu vas me faire une promesse.

— Laquelle ?

— Tu ne te retrouveras plus en présence de cette femme.

— C’est difficile.

— Laisse-moi le soin d’en avoir raison.

— Je te donne carte blanche.

— Liberté d’action ?

— Pleine et entière. Mais prends garde.

— Je suis soldat. Je la traiterai comme je m’y prenais avec les Arabes. On est fait à la guerre des broussailles. Nous verrons bien si, le cas échéant et la chasse une fois ouverte, ta panthère aux ongles roses pourra m’échapper aussi facilement.

— Merci et bonne chance, frère.

— Affaire réglée. N’en parlons plus, repartit le colonel, qui avait obtenu tout ce qu’il désirait au sujet de Mme de Casa-Real. Occupons-nous un peu de la duchesse et de ses protégées.

— A-t-on exécuté mes instructions ?

— À la lettre.

— Ainsi Thérèse…

Mlle Bergeret.