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— Nul ne doit parler à cette personne. Vous la servirez vous-même et vous l’accompagnerez lorsqu’elle se retirera.

— Ce sera fait, monsieur ; pourtant…

— Quoi ?

— Me permettrai-je une simple observation ? objecta timidement Grossel, qui ne savait s’il devait se taire ou parler.

— Parlez.

— S’il faut que je serve moi seul la personne en question, car, à la discrétion et au silence de qui puis-je me fier, si ce n’est au mien propre ? comment m’y prendrai-je pour servir en même temps… ?

— Vous n’aurez plus besoin de revenir ici avant une demi-heure, interrompit l’ami du docteur Martel.

Grossel allait se retirer.

— Ah ! un mot encore… Souvenez-vous que dans une heure ou une heure et demie, au plus tard, tous vos cabinets doivent être libres, vos garçons couchés et votre maison fermée. Vous m’avez compris ?

— À merveille.

— Allez, et soyez sûr qu’on vous tiendra compte de vos services.

— Vous pouvez être certain, monsieur, fit Grossel en appuyant sa main sur son cœur pour donner plus de poids à son affirmation, que je suis tout dévoué à l’œuvre et au maître.

— Je le sais et je ne l’oublierai pas. J’en témoignerai même au besoin.

Grossel se retira.

— C’est la personne en question ? demanda le docteur.

— Oui.

— Elle est sûre ?

— Elle est des nôtres.

— Bien. Soignez l’enfant. Je vais guérir la mère.

— Un mot encore, mon ami.

— Parlez, répondit le docteur, qui ne perdait pas du regard le visage de la jeune femme.

— Sera-t-elle assez forte pour répondre à mes questions ?

— Je vous dirai cela tout à l’heure.

— Quoique nous n’ayons pas de temps à perdre, je préférerais attendre à demain plutôt que de risquer une seconde fois ses jours.

— Avec de la prudence, des ménagements, il nous sera possible d’agir et de parler aujourd’hui même. Je l’espère.

— Pourra-t-elle marcher ?

— Nous verrons cela une fois qu’elle aura pris un consommé et quelques doigts de vin vieux.

— En tous cas, on la transporterait.

— Oui, mais comment ?

— Oh ! ceci me regarde. Ne vous en inquiétez pas, répondit l’inconnu en souriant.

Cependant l’enfant, qu’on avait placé devant la table chargée de mets apportés par le restaurateur, mangeait avec l’appétit de son âge, et ne se