Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/592

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les autres ; vous êtes tous des hommes d’une bravoure éprouvée, d’une résolution inébranlable. Vous ne vous froisserez donc pas des paroles que je vais vous adresser.

Mouchette fit claquer les phalanges de ses doigts en se demandant quelle pouvait être la cause de ces précautions oratoires.

Passe-Partout continua :

— L’expédition que nous tentons est une des plus audacieuses qu’on ait jamais tentées. Il y a danger certain, il y a mort possible. La route qu’il nous faut suivre, abandonnée depuis un siècle, se trouve hérissée d’obstacles, peut-être insurmontables.

— Bigre ! fit le gamin.

— Nous ne savons ni ce qui nous attend, ni quelles situations désespérées nous menacent, dans les bas-fonds de ce gouffre béant ouvert sous nos pas.

— Eh bien ? fit le colonel Renaud.

— Je vous le répète, messieurs, et que nul d’entre vous ne prenne ceci en mauvaise part, ceux qui ne se sentiront pas disposés à pousser plus loin l’aventure sont libres de se retirer.

— Hein ? quoi ? s’écria la Cigale.

— Ouiche ! ricana Mouchette.

Passe-Partout continua froidement :

— Ils n’encourront aucun blâme, soit de ma part, soit de leurs frères, soit de notre chef suprême.

Les quatre hommes et l’enfant qui écoutaient Passe-Partout se consultèrent du regard.

Un clin d’œil suffit.

Martial Renaud s’effaça derrière ses compagnons.

Son affection fraternelle pour Passe-Partout le mettait hors de cause.

Ce n’était pas pour lui que ce dernier pouvait avoir parlé.

Il se contenta d’observer les autres et de les laisser répondre à cette mise en demeure de bravoure insensée et de témérité désespérée.

Sir Harry Mortimer prit la parole au nom de ses compagnons :

— Pardon, mon cher Passe-Partout, dit-il avec la plus nonchalante simplicité pardon ; mais en supposant que nous refusions de plonger dans ce trou béant — pure hypothèse, car nul de nous n’a la moindre envie de vous adresser ce refus — en supposant que nous refusions, que feriez-vous ?

— Moi ? demanda Passe-Partout.

— Vous-même ?

— J’irais seul.

— Bien. Et pourquoi iriez-vous seul !

— Parce que mon serment m’y oblige.

— Parfait ! mais, mon ami, si votre serment vous oblige à courir un danger, que vous prétendez pouvoir devenir mortel, pourquoi notre honneur nous permettra-t-il de vous abandonner lâchement dans une circonstance aussi critique ?

— Touché ! cria Mouchette.