Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Attends donc ! vieux, c’est celui que tu m’as lancé quand il s’est agi déteindre le gaz, dans le cabinet du père Tournesol ?

— Juste.

— Alors ! je vas vous le donner moi-même, s’écria Mouchette avec importance.

— Vas-y, consentit le colosse.

Mouchette enfla ses joues maigres et minces comme deux lames de couteau, porta deux de ses doigts à sa bouche et cria :

— Prrr ! ouitch !

Ils attendirent.

Pas de réponse.

Un second appel fut aussi infructueux.

— V’là qui se gâte, grommela le géant.

— Ça m’en a tout l’air.

— Le camarade d’en haut doit avoir reçu quelque mauvais coup.

— Faut le savoir.

— J’y vas tout de suite.

Et le colosse leva les yeux et s’apprêta à lever les bras pour saisir la double chaîne, son escalier ordinaire et extraordinaire.

Plus de chaîne !

M. Piquoiseux avait pris la précaution de la détendre et de la remonter.

— Mille millions de…, jura la Cigale.

— De quoi ?

— Plus de chaîne.

— Eh ben !

— Impossible de remonter ! hurla-t-il avec rage.

— Voyez-vous ça ! fit le gamin de Paris avec un faux désespoir.

— Il faut que je voie Passe-Partout… que je le retrouve… Toi, petiot, tu resteras ici, jusqu’à ce que le chef ait pris un parti.

— Aïe donc ! aïe donc ! interrompit Mouchette, qui retint son compagnon par le pan de sa veste.

— Laisse-moi… c’est pressé !

— Ce qui est pressé, c’est de grimper là-haut, hein ?

— Oui.

— Eh bien ! je vas y monter.

— Toi ?

— Moi-même.

— Avec quoi ? ni corde, ni chaîne ! avec quoi ?

— Avec ceci.

Et Mouchette montrait ses poings.

— Avec cela.

Et Mouchette montrait ses pieds.

— Tu es fou !

— Moi ? non. Tu vas voir, vieux. J’ai gagné la timbale d’argent à la dernière fête du Champ-de-Mars. Même que c’est m’man Pacline qui a la montre.