Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/633

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Et il arma ses pistolets à double canon.

L’inconnue ne se retourna même pas.

Seulement, saisissant un petit sifflet attaché à sa ceinture, elle en tira un son aigu, qui ne laissa pas d’étonner les deux vieux scélérats auxquels elle avait affaire.

Alors, voici ce qui advint :

Les fenêtres et les portes de la salle basse dans laquelle tout cela venait de se dire, s’ouvrirent en même temps, livrant passage à une vingtaine de masques armés jusqu’aux dents.

Les nouveaux venus se ruèrent sur les deux hommes ébahis.

Deux secondes après, le faux duc de Dinan et le baron de Kirschmark gisaient renversés sur le sol, et mis dans l’impossibilité absolue de se défendre.

Tout ce que nous racontons là s’était passé en moins de temps qu’il ne nous en a fallu pour l’écrire.

Les deux complices s’étaient à peine rendu compte de cette attaque, que déjà les genoux de leurs adversaires fantastiques pesaient sur leur poitrine.

— Assez ! cria l’inconnue. Attendez.

Les hommes masqués demeurèrent immobiles, les yeux fixés sur leur maîtresse.

Elle reprit, en s’adressant à ses deux prisonniers :

— Eh bien ! messieurs, votre choix est-il fait ?

— Oui.

— Parlez.

— Nous refusons votre alliance, dit le général, qui se secouait comme un taureau sauvage.

— C’est franc et brave.

— Et bête ! grommela Kirschmark.

— Mais, ajouta-t-elle, c’est bien imprudent. Pourquoi refusez-vous, duc ?

— Parce que dans la position où nous nous trouvons, il est indigne d’un homme de cœur d’engager sa parole.

L’inconnue fit un geste.

Aussi rapides dans leurs évolutions de retraite que dans leur apparition soudaine, les hommes masqués disparurent par les baies de la salle, au grand étonnement du duc et du baron.

— Relevez-vous, et répondez-moi.

Ils obéirent.

— Nous acceptons votre alliance, s’écria le baron.

— Vous, bien ! mais M. le duc de Dinan ?

— Je me porte garant pour lui.

— Pour surcroît de précaution, ajouta l’inconnue après avoir détaché un crucifix suspendu à la muraille, jurez de m’être fidèles…

— Nous le jurons, dirent-ils tous les deux.

— Ce n’est pas tout.

— Aïe ! aïe ! pensa le baron.

— Vous jurez encore de ne jamais chercher à me connaître…