Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/640

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— Commandez, capitaine, et on sera vain… vain… queur, s’écria la Cigale dans un transport d’enthousiasme qui lui permit de ne bégayer qu’au dernier mot de sa phrase.

— Voici pourquoi je vous parle de la sorte, ajouta Passe-Partout. Là où je supposais ne rencontrer qu’une quinzaine ou une vingtaine d’adversaires, nous en rencontrerons le double, le triple, sans aucun doute.

— Il y aura du tabac, grommela le gamin en se frottant la cheville droite, geste qui lui donnait une pose à la Callot, mais qui dénotait chez lui une grave préoccupation.

— Que faire ? quelles sont vos intentions ? demanda Martial Renaud.

— Marcher en avant, répondit son frère.

— Marchons !

— Mais en égalisant approximativement les chances.

— De quelle manière ?

Passe-Partout tira sa montre, et regardant l’heure :

— Il est bientôt une heure du matin.

— Pristi ! M. Piquoiseux qui a cassé son grand ressort ! fit Mouchette en portant la montre du défunt à son oreille. Pas de chance !

— À trois heures au plus tard, repartit le chef des Invisibles, il faut que nous soyons là-bas.

— On y sera, grommela le géant.

— Les nuits sont longues encore ; nous aurons tout le temps nécessaire pour remplir notre tâche. Seulement…

— Voilà l’absinthe ! pensa Mouchette.

— Seulement un de vous, messieurs, va nous quitter.

— Hein ? gronda la Cigale.

— Retourner sur ses pas, continua Passe-Partout, sortir du puits et se rendre à notre lieu ordinaire de rendez-vous.

— Je ne le connais pas. Ce ne sera pas moi le commissionnaire, se mit à dire le gamin.

— Là, celui de vous, messieurs, qui se chargera de cette mission prendra toutes les mesures commandées par la prudence et fera en sorte de se trouver dix minutes avant trois heures dans le lieu que vous savez, avec le plus grand nombre possible de nos amis.

— Bon ! à qui le gros lot ? demanda Mouchette.

— Pschitt ! fit le géant.

— Maître, qui chargez-vous de ce soin ? questionna sir Harry Mortimer.

— Pas vous, Mortimer.

— Oh ! tant mieux, fit l’Écossais avec un sentiment visible de satisfaction. Toute responsabilité épouvante ma paresse. Je suis un bras et non une tête, vous le savez, mon cher Passe-Partout.

— Je le sais, dit le chef des Invisibles. Martial, c’est toi que je choisis.

— Là ou ici, ma vie, mon bras et ma tête appartiennent à mes frères. Parle, j’obéirai, répondit simplement le colonel.

— En sa qualité de soldat, ajouta Passe-Partout en se tournant vers ses autres affidés, qui tous s’estimaient heureux de demeurer auprès de lui,