Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/668

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— C’est impossible !… s’écria la vieille servante.

— Regarde !… Ah ! Dieu n’est pas pour nous.

Brigitte allait obéir au vicomte, quand Hervé, qui n’avait pas cessé de tourner et de retourner autour du pied de la table qu’il venait de scier en deux, reprit :

— Ne désespérez pas, notre monsieur, et remerciez le Seigneur tout au contraire.

— Que veux-tu dire ? fit le vicomte en relevant la tête.

— Je veux dire que Brigitte avait bien raison en soutenant que les titres étaient là-dedans.

— Tu les as trouvés ?

— Dame ! faut le croire, puisque les voici.

Et le père Pinson présentait à son maître une cassette en fer, semblable, de tous points à celle dont avait parlé Brigitte.

Il venait de scier le pied de la table par la moitié.

La cassette se trouvait dans la partie supérieure, de beaucoup plus large que l’autre.

Le vicomte de l’Estang saisit cette cassette avec la joie d’un avare qui retrouve son trésor.

En une minute il était passé d’un profond désespoir à une grande joie.

— Maintenant, dit-il, que nous avons réussi dans nos recherches, je ne veux pas risquer d’en perdre le fruit. Partons.

— Je vais appeler notre demoiselle, ajouta le sergent.

Et il sortit.

— Va… va… Brigitte, vous nous suivrez.

— Non, monsieur le vicomte, répondit-elle nettement, mais avec le plus profond respect.

— Pourquoi non ? lui demanda-t-il avec surprise.

— Parce que si je quittais la maison, monsieur le vicomte, celui qui se croit mon maître devinerait tout de suite que c’est moi qui vous ai aidé à lui reprendre vos papiers.

— C’est juste.

— Voilà pourquoi il faut que je reste.

— Restez donc, Brigitte ; mais, en cas de besoin de secours, souvenez-vous que vous avez en moi un ami, un protecteur.

— Merci, notre monsieur ; à l’occasion, je ne l’oublierai pas.

Au moment où la vieille et fidèle servante de la maison de Kérouartz achevait ces mots en baisant la main du vicomte de l’Estang, un cri retentit au dehors.

— Grand Dieu ! fit celui-ci, c’est la voix d’Hervé.

— Oui ! oui ! il appelle au secours.

— Courons !

Ils se précipitèrent tous les deux vers la porte donnant dans le jardin.

Le vicomte allait la pousser violemment.

La porte s’ouvrit d’elle-même.

Le vieux sergent parut sur le seuil.