Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire baragouiner le charabia impossible du baron de Nucingen, de Balzac, ne laissait pas de lui donner une certaine ressemblance avec un bottier de grande maison.

Cela, au détriment de ses millions inconnus.

Désirant déposer le tribut de ses hommages aux pieds de l’heureuse jeune fille, il cherchait à se frayer un passage à travers la foule qui s’écoulait dans les galeries avoisinantes ; mais au moment où il touchait au but, l’objet de son admiration disparut.

La duchesse venait de l’emmener pour la soustraire à une ovation trop prolongée.

Peut-être aussi parce qu’elle avait remarqué le travail de circonvallation du baron.

Toujours est-il qu’il arriva juste à temps pour voir se refermer, sur les robes de ces dames, une porte dérobée, cachée à tous les yeux par une lourde tapisserie des Gobelins.

Cette tapisserie avait pour sujet Vulcain surprenant Mars et Vénus et les enfermant dans un filet forgé de ses propres mains.

Et voyez le hasard !

L’habile ouvrier qui avait tissé, brodé ce chef-d’œuvre, a donné à son dieu boiteux les traits et l’encolure de notre baron désappointé.

Nos lecteurs ont reconnu en même temps que nous, dans la duchesse de Vérone, dans la jeune fille et dans le jeune homme qui se tenait toujours à l’affût derrière elle, les deux femmes et le jeune homme du marché aux chevaux.

La jeune fille s’appelait Thérèse. Pas de nom de famille.

Le jeune homme, Olivier Maskar ; il était secrétaire de la duchesse de Vérone.

Pendant que tous ces personnages se séparaient, se dispersaient, pour se rendre les uns dans un salon de jeu, les autres dans un boudoir isolé, ceux-ci dans les galeries réservées aux masques, ceux-là dans le salon de danse, un huissier tenant deux manteaux vénitiens, noirs et courts, et deux masques à longue barbe, s’approcha de deux hommes qui causaient à l’entrée de la galerie des masques.

Ces deux hommes étaient le comte de Warrens et un employé supérieur de la police. Le comte remerciait ce monsieur d’avoir bien voulu assistera sa petite fête. Celui-ci lui faisait tous ses compliments sur la magnificence de sa réception.

— Que voulez-vous, mon ami ? demanda le comte à l’huissier.

— Monsieur le comte a ordonné de ne laisser pénétrer personne dans ces salons, sans masque et sans costume.

— C’est vrai, dit le comte en souriant. Il faut que je me déguise, c’est la loi.

— Et je suis convaincu, fit l’employé supérieur, qui ne se croyait pas connu pour ce qu’il était, avec un accent de bonhomie parfaitement joué, je suis convaincu, comte, que cela ne vous gênera pas beaucoup.

— Dame ! voyez, répliqua le comte de Warrens, qui venait, de s’encapu-