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— Des excuses ! cria le colosse au cabaretier.

Anthime fit des excuses très humbles.

Mouchette reprit :

— Mon oncle, j’ai suivi le Brésilien.

— Quel Brésilien ?… Ah ! oui… le mal noirci.

— Marcos Praya.

— Bon. Quand on voit le pilote, le requin n’est pas loin.

— Comprends pas.

— Ça ne fait rien. Va toujours.

— Il m’a mené loin, le gueux.

— Où ça ?

— Au Havre.

— À pied ?

— Non, en ballon.

— Conte-nous ce que tu as fait.

— Oui… Je le veux bien.

On s’assit à ses côtés.

La Cigale, Frantz Keller et Anthime Guichard humaient déjà le récit du gamin.

Il commença :

— Pour lors…

Puis, réfléchissant et se grattant le bout du nez :

— Est-ce qu’il ne doit pas nous arriver un chef ?

— Oui.

— Quand ?

— Ce soir même.

— Alors, mes excellents bons, vous voudrez bien me permettre de garder ma primeur pour lui.

Il y eut un cri de réprobation poussé par le cabaretier et Frantz Keller.

Mouchette leur fit la nique.

La Cigale, de son côté, tout ennuyé qu’il fût d’attendre, dit naïvement :

— Moumouche a raison.

Sur ce, Mouchette se versa un plein verre d’eau-de-vie de marc et l’avala, pour noyer momentanément ces nouvelles importantes, qui, ajoutait-il par considération pour ses trois compagnons, ne demandaient qu’à prendre l’air.

Quoiqu’il n’en fit jamais qu’à sa tête, le gamin était toujours plein d’égards pour le géant.


XV

MOUCHETTE SE DESSINE

Dans la soirée, l’unique salle de l’auberge de la Limace présentait un aspect inaccoutumé.

Une quinzaine d’individus, vêtus plus ou moins comme des matelots en disponibilité, étaient assis autour de deux ou trois tables placées bout à bout.