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Ils s’attendaient à ce que le vicomte de Luz allait leur développer le plan qu’il venait de mûrir.

Il n’en fut rien.

Leur chef appela le gigantesque ami du jeune… nous n’osons pas dire du jeune Mouchette, depuis l’importance homérique qu’il venait de prendre, aux yeux de ses compagnons d’aventure.

La Cigale, qui était justement en train de féliciter ce dernier, le força à répéter son appel.

À la seconde reprise, il se dirigea vers le vicomte.

Celui-ci parla longuement.

Le géant l’écoutait sans répondre un mot.

Ses instructions données et bien comprises par la Cigale, René de Luz dit aux Invisibles placés sous ses ordres directs :

— Mes amis, nous allons nous séparer en deux troupes. La première sera commandée par la Cigale et guidée par Mouchette.

La Cigale baissa les yeux timidement.

Mouchette se passa la main dans les cheveux et fit jabot.

Le vicomte continua :

— Je me mettrai moi-même à la tête de la seconde. Je vous recommande d’obéir à notre ami et compagnon la Cigale comme vous m’obéissez. Avec des hommes comme vous, je n’ai pas besoin de donner d’encouragements… Vous ferez tous votre devoir, et si, comme je l’espère, tout marche d’après mes prévisions, avant peu notre cher Passe-Partout sera parmi nous.

« Armez-vous et soyez prêts. Nous partons dans quelques minutes.

Ce fut tout.

Le vicomte avait expliqué ses intentions à la Cigale.

Celui-ci les communiqua au seul Mouchette.

Mouchette les garda pour lui.

Les autres s’apprêtèrent à marcher de confiance.

Le vicomte paya le cabaretier en lui recommandant, à leur sujet, le silence le plus absolu.

Puis il lui dit :

— Aussitôt après notre départ, vous sellerez les deux coureurs qui se trouvent dans votre écurie, et vous les conduirez au carrefour de l’Arbre-Vert.

— Et là ?

— Vous attendrez et vous ne répondrez qu’à quiconque vous donnera notre signe de reconnaissance et de ralliement.

— J’obéirai.

Les Invisibles étaient prêts.

Ils sortirent de l’auberge, glissant comme des ombres.

Ceux qui faisaient sentinelle vinrent les rejoindre, les rallier.

Alors, se séparant en deux troupes égales, ils prirent deux chemins différents, qui tous deux, après de longs circuits, aboutissaient à la ferme.

Les ténèbres s’épaississaient tellement, qu’on ne distinguait rien à deux pas devant soi.

Le vent soufflait avec une horrible violence.