Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/755

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Celui-ci l’examinait à la dérobée.

Voyant qu’il ne se déciderait pas à lui adresser la parole sans y être poussé, Passe-Partout tenant à profiter de cette timidité anormale, lui dit brusquement :

— Hé ! l’ami ?

L’autre se retourna.

— Quoi ? répondit-il.

— Votre nom ?

— Pourquoi faire ?

Il était évident qu’il ne tenait pas à le dire.

Le comte n’insista pas.

— Qui êtes-vous ? Pouvez-vous me dire cela, au moins ?

— Qui je suis ?

— Oui.

— Vous le voyez bien.

— Ma foi, non, fit Passe-Partout en riant de la mine de son interlocuteur.

— Je suis…

Le malheureux cherchait si sa réponse n’allait pas le compromettre.

C’était clair comme le jour.

— Eh bien ! vous êtes ?

— Le porte-clefs de la prison.

— Ah ! répliqua le prisonnier d’un ton moqueur.

— Oui.

— De quelle prison, s’il vous plaît ?

— Ça ne vous regarde pas.

— Merci.

Le porte-clefs se dirigea vers la porte.

— Un moment encore ! que diable ! lui cria le comte de Warrens ; avez-vous donc peur de moi ?

Le porte-clefs tira un revolver de sa poche et le lui montra d’un air expressif :

— Non.

— À la bonne heure, repartit le prisonnier, voilà qui parle de soi-même. Où suis-je ? pouvez-vous du moins répondre à cette question ?

— Oui.

— Où suis-je, dites ?

— Au secret.

— Bon. Je m’en doutais.

— Alors…

— Non… pas encore ; attendez, mon brave, et Passe-Partout lui jeta la moitié du contenu de sa bourse qu’on avait négligé de lui enlèvera son entrée dans cette singulière prison, ce qui, par parenthèse, est généralement un tort.

Le porte-clefs ramassa l’or et l’argent.

Puis il les remit gravement sur la table, en secouant la tête en signe de refus.