Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/761

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Cette erreur était singulière.

Il fit une autre observation.

Le soleil qui, les jours précédents, le frappait au visage dès la huitième heure du matin, ce jour-là n’atteignit son lit que vers midi.

Que voulait dire cela ?

Toutes ces petites choses formaient l’ensemble d’un problème que, faute de meilleur aliment, son intelligence s’était promis de résoudre.

La fenêtre de la cellule se trouvait environ à dix pieds du sol.

Le comte enleva les objets qui encombraient la table, et il la transporta elle-même au pied de la fenêtre.

Puis il plaça la chaise sur la table.

Cela fait, il monta sur la table et de là sur la chaise.

La fenêtre, nous l’avons expliqué, avait un double grillage, mi-parti extérieur, mi-parti intérieur.

Mais les mailles de ce grillage n’étaient pas assez étroites, et les vitres n’étaient pas encore assez salies par la poussière pour intercepter la vue de l’extérieur.

Passe-Partout aperçut la cime, dépouillée de feuilles, de grands arbres s’élevant à une hauteur énorme, et devant, en été, au moment du feuillage, intercepter, comme un épais rideau, les rayons du soleil.

Ces arbres n’étaient éloignés que d’une centaine de pas, au plus, du mur de la prison.

Satisfait de ce qu’il venait d’apercevoir, et craignant d’être surpris dans ses recherches indiscrètes, le prisonnier descendit de son échafaudage improvisé, et remit toutes choses à leur place.

Plus le temps fuyait, moins le guichetier devenait communicatif.

Le prisonnier et lui n’échangeaient plus que de rares paroles.

Le soir, le comte de Warrens se sentit pris du même sommeil, et il s’endormit vite et lourdement comme les jours précédents.

Le lendemain matin, à l’instant où il se préparait à porter sa table au bas de la fenêtre un bruit de pas se fit entendre.

Le comte s’arrêta.

Il replaça les livres sur la table et se jeta sur son lit.

La porte de la cellule s’ouvrit pour laisser passage à deux hommes qui précédaient le porte-clefs.

— Voici monsieur le juge d’instruction, dit ce dernier en désignant un personnage aux traits sombres, au regard louche, correctement vêtu de noir, et portant la rosette de la Légion d’honneur à sa boutonnière.

L’homme qui l’accompagnait, son greffier, portait sous le bras une chemise en cuir, bourrée de papiers.

D’énormes lunettes vertes lui couvraient un bon tiers de sa laide figure.

M. de Warrens ne put réprimer assez vite un sourire, à la vue de ces deux hommes.

Il avait instinctivement flairé un déguisement.

Deux nouveaux acteurs entrant en scène.