Hermosa fixait sur lui des regards de feu.
— J’attends, dit-elle.
— Quoi ? madame.
— Votre réponse.
— Mon silence en est une.
— Qui ne dit mot, consent.
— Hélas ! retournez le dicton, et vous serez dans la vérité.
— Ainsi ?
— J’en suis désolé, mais… qui ne consent pas, ne dit mot !
— Vous refusez ?
— Formellement.
— Les deux propositions que je vous fais ?
— Les deux.
— Vous êtes fou.
— C’est possible. Si l’honneur est une folie, je suis fou, fou incurable.
— Vos raisons ! Voyons vos motifs pour ne pas accepter, pour risquer votre liberté, votre vie sur un non, s’écria-t-elle, en proie à une agitation impossible à réprimer.
— Ces motifs, depuis longtemps vous les connaissez, madame : j’ai juré sur mon honneur, et cela en votre présence, de venger la mort du comte de Casa-Real. Si je consentais à vous rendre son testament, ses dernières volontés, dont, vous en conviendrez, madame, je n’ai pas fait un usage bien cruel jusqu’à ce jour, si je consentais à cela, je serais lâche et parjure…
— Mais…
— Et, vous le disiez vous-même tout à l’heure…, quand je donne ma parole, je la tiens.
— Le comte a mis une condition à cette vengeance… Souvenez-vous-en, vous ne devez vous servir de ce testament qu’au cas seulement où je voudrais me remarier.
— Eh bien !
— Par tout ce qu’il y a de plus sacré dans ce monde et dans l’autre, je vous jure, monsieur, que je resterai veuve toute ma vie.
— Vous oubliez, madame, que si j’avais voulu, le lendemain même de la mort de votre mari, vous vous engagiez à porter mon nom.
C’était vrai.
La créole ne trouva rien à répondre.
Dans sa rage, il ne lui vint qu’une menace aux lèvres.
— Que me parlez-vous de vengeance, que me parlez-vous de châtiment, vous qui êtes en mon pouvoir, vous dont l’existence dépend d’un geste de moi !
— Je suis entre les mains de Dieu, madame.
— Dieu ! fit-elle impatiemment.
Il continua :
— Contre sa volonté, je vous mets au défi de faire tomber un cheveu de ma tête.
— Pas de sermon, n’est-ce pas ? s’écria-t-elle d’une voix railleuse.