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III

UN NOUVEAU SERVITEUR

De même que le comte de Monte-Cristo, le célèbre héros d’Alexandre Dumas, le comte de Warrens, grâce non pas seulement à ses immenses richesses, mais surtout à ses vastes relations, se trouvait, lui aussi, un peu chez lui partout où il se donnait la peine de se rendre.

Ainsi au Havre, par exemple, et l’importance de cette ville justifiait pleinement une telle précaution, le comte de Warrens avait un pied-à-terre, modeste à la vérité, mais bien installé, où il descendait chaque fois que ses nombreuses affaires l’appelaient dans cette ville.

Ce fut, en conséquence, directement vers cette maison que les deux cavaliers se dirigèrent en toute hâte, après leur rencontre fortuite avec la comtesse de Casa-Real.

Sur l’invitation de son chef, René de Luz s’approcha de la porte bâtarde qui servait d’entrée, et, sans descendre de cheval, il y frappa d’une façon particulière.

On ouvrit.

Ils mirent pied à terre et entrèrent.

Un domestique en livrée attendait sur le seuil d’un vestibule éclairé.

Les cavaliers descendus, il prit les chevaux par la bride et il les conduisit immédiatement à l’écurie.

Les deux hommes refermèrent eux-mêmes la porte de la rue puis ils pénétrèrent dans une antichambre de plain-pied avec la cour, et la traversèrent sans s’arrêter.

René de Luz tourna le bouton d’une seconde porte qui leur donna aussitôt passage et il entra, suivi de son compagnon, dans un vaste cabinet de travail.

Un homme se trouvait seul en ce moment dans ce cabinet.

Cet homme se promenait de long en large, la tête penchée sur la poitrine et les mains derrière le dos.

Au bruit fait par les arrivants, il se retourna vivement.

Alors il poussa un cri de joie et s’élança vers eux.

Ce promeneur solitaire, soucieux, était le colonel Martial Renaud.

Les deux frères tombèrent dans les bras l’un de l’autre et demeurèrent longtemps embrassés sans prononcer une seule parole.

L’émotion qu’ils éprouvaient était trop forte pour tous les deux.

Le vicomte lui-même s’essuyait les yeux en contemplant avec joie cette scène attendrissante par son silence même.

C’est si beau, la sainte, la véritable affection fraternelle !

C’est si rare, dans ce monde misérable où la plus méprisable question