Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/825

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vaincre par mes larmes et elle a consenti, un peu contre son gré, je l’avoue, à entrer dans mon projet.

— Hum ! hum ! toussa le colonel, en souriant à l’idée du péché mortel commis si facilement par la supérieure.

— Enfin que vous dirai-je ? elle est devenue ma confidente, ma complice.

— Après ?

— Je lui ai remis douze lettres qui avaient été préparées à l’avance, écrites avec soin, destinées à être expédiées de mois en mois à mon père.

— Voyez-vous cela !

— Et naturellement, mon ami, la bonne supérieure ne m’a plus fait de difficultés et elle s’est chargée de les expédier l’une après l’autre.

— À merveille !

— Vous voyez… tout est prévu !

— En effet… tout, excepté le hasard. Cependant, ma pauvre Edmée !…

— Là où Dieu sert de guide, le hasard est supprimé, croyez-le bien, mon cher Martial, dit-elle avec solennité.

— Ainsi, vous êtes bien résolue ?

— Irrévocablement.

— Et si moi, malgré cela, je vous refuse mon aide, mon concours ? lui dit-il en la regardant fixement.

— Vous ne ferez pas cela ; mais je vous le jure, Martial, au cas où cela serait, j’exécuterais mon projet n’importe comment ; car rien ne pourrait m’y faire renoncer.

— Allons.

— Vous consentez ?

— Oui ! il le faut bien, morbleu ! car Dieu m’est témoin que j’ai fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour vous détourner de votre imprudence et de votre folie.

— C’est convenu.

— Réfléchissez encore. Vous persévérez quand même ?

— Quoi qu’il puisse advenir.

— Puisqu’il en est ainsi, comptez donc sur moi, Edmée. Vous partirez avec nous, et je vous le promets, Noël, ignorera, jusqu’à ce qu’il vous plaise de vous montrer enfin à lui, votre présence à bord du brick.

— Et comment vous y prendrez-vous pour cela, Martial ?

— Cela me regarde, Edmée. Ne vous en inquiétez pas.

— Merci ! oh ! merci ! mon frère.

— Oh ! comme vous savez bien que vous faites tout ce que vous voulez de moi, en me donnant ce nom-là, Edmée !

— Je vous aime.

— Que Dieu et Noël me pardonnent ma faiblesse ! pauvre enfant !

— Dieu est pour nous, vous dis-je.

— Puissiez-vous dire vrai !

— J’en suis sûre.

— Et maintenant, mon enfant, laissez-moi vous prier de vous retirer.

— Pourquoi ?