Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/827

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chacun le sait :

Aujourd’hui ce port est le plus sûr, et peut-être le plus vaste du monde entier.

Il pourrait facilement contenir toutes les flottes du globe.

À l’époque dont nous parlons, le pueblo de San-Francisco, car, en réalité, ce n’était pas une ville, mais bien un simple et misérable village, complètement ignoré, le pueblo de San-Francisco, disons-nous, s’élevait en face de la baie, à six milles de l’Océan.

Les maisons, espèces de paillotes ou de masures construites en bois pour la plupart, étaient loin de passer pour confortables.

Quelques-unes de ces maisons seulement possédaient un foyer, c’est-à-dire une cheminée grossièrement, bâtie les habitants ne faisant de feu que pour cuire leurs aliments.

La population variait entre mille et douze cents âmes, selon la saison.

Cette population, essentiellement nomade et surtout chasseuse, ne se composait généralement que d’étrangers.

ÀA peine y trouvait-on sept ou huit familles blanches ou passant pour telles originaires du pays, les autres étaient indiennes.

Au fond de la baie de los Carquines se trouvent trois bouches de rivière, auxquelles on donnait alors le nom des Trois-Fourches, j’ignore si ce nom leur a été conservé.

Elles sont formées :

D’abord, en face et au nord, par le rio del Sacramento ;

Ensuite, à droite et à l’est, par le rio de San-Joaquin ;

Enfin, à gauche et, au nord-est, par le rio de Jésus-Maria.

Notons en passant qu’on croyait alors le rio de Jésus-Maria un cours d’eau d’origine distincte des deux autres, mais des explorations postérieures l’ont enfin fait reconnaître pour ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire un des bras du Sacramento.

Le Sacramento lui-même se bifurque sept lieues avant son embouchure, et donne naissance à la grande île qui porte son nom.

Cette île très vaste mais basse et limoneuse, couverte de joncs et de roseaux, est presque toujours complètement inondée pendant la saison des pluies.

Quelques grands arbres surgissent seuls alors au-dessus des eaux, et forment un bouquet à l’extrémité sud de l’île.

C’est à ce lieu, d’un aspect assez pittoresque d’ailleurs, qu’on avait donné, dans le commencement de l’émigration, le nom de : Rendez-vous des chasseurs.

Car, alors, l’île était peuplée d’une quantité réellement innombrable de cerfs, de daims et de castors.

Par contre, on y rencontrait aussi parfois et malheureusement en fort grand nombre, des hôtes moins utiles et plus dangereux, des serpents à sonnettes.

Les Indiens des tribus voisines y venaient dans leurs balsas, espèces de radeaux construits en jonc, pour y chasser les loutres d’eau douce qui y affluaient.

Hélas ! où sont aujourd’hui les cerfs, les daims, les castors, les loutres,