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les serpents à sonnettes, les Indiens bravos les premiers chasseurs, et même les magnifiques arbres de leurs rendez-vous de chasse ?

Tout a disparu.

L’île seule reste, métamorphosée, méconnaissable.

La civilisation a tout englouti sous ses coups incessants.

C’est dans l’angle compris entre le Sacramento et la Fourche, qu’était située la Nouvelle-Helvétie, la colonie fondée par le capitaine Sutter, ancien officier et suisse d’origine, dont le nom ignoré alors a eu plus tard un si grand retentissement dans le monde entier.

La croissance de l’État de Californie, qui aujourd’hui fait partie des États-Unis, a été si rapide, son développement si prodigieux, qu’on nous saura gré, nous l’espérons, de donner ici la biographie esquissée en quelques coups de plume, de l’homme si singulièrement choisi par la Providence pour opérer en quelques mois à peine et peut-être malgré lui et à son corps défendant, cette merveilleuse transformation.

Grâce à lui, une contrée à peu près déserte et complètement ignorée, excepté des baleiniers français et américains qui pendant l’hivernage venaient chasser la baleine dans la baie, est devenue tout à coup et presque sans transition l’un des centres les plus commerçants, les plus peuplés et les plus policés du nouveau-monde.

Cette biographie n’est pas nouvelle, elle date de plus de trente ans, ce qui lui donne une certaine valeur ; nous l’avons extraite presque entièrement de l’intéressant voyage dans l’Orégon et les Californies de M. Duflot de Mofras.

Ce voyageur, lorsqu’il l’écrivait, était certes bien loin de se douter de la célébrité immense qui, quatre années plus tard, attendait l’homme inconnu dont il se faisait alors si bénévolement l’historien.

Le capitaine Sutter, né en Suisse, servit pendant douze ans les Bourbons de France dans la garde royale. Après la révolution de 1830, il quitta l’Europe et il se rendit aux États-Unis du Nord-Amérique.

Là, il exploita pendant quelques années une ferme sur les bords du Missouri.

En 1830, poussé par son humeur aventureuse, il se joignit à une nombreuse caravane d’Américains qui tentait un voyage d’exploration et se dirigeait parterre vers le rio Colombia.

Dans ce voyage, M. Sutter emmena trois Allemands avec lui.

Après avoir traversé les montagnes Rocheuses et souffert bien des ennuis et des fatigues, le capitaine Sutter arriva enfin assez malade au fort Vancouver, chef-lieu des établissements de la baie d’Hudson.

De là, après un séjour de sept ou huit mois nécessité par le mauvais état de sa santé, il se rendit aux îles Sandwich où il fit quelques opérations avec la Nouvelle-Archangel, capitale des colonies russes.

Il n’arriva en Californie que dans le courant de l’année 1839.

C’était sur le sol à peu près vierge de cette contrée que cet éternel voyageur devait enfin poser sa tente et essayer d’arrêter définitivement sa course vagabonde.