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VII

UN CAMP DE CHERCHEURS D’OR

Aux premiers temps de la découverte de l’or, les émigrants qui arrivaient soit par terre, soit par mer, à San-Francisco et de là, s’élançaient à corps perdu vers les placeres, dans l’espoir de conquérir en quelques semaines ces richesses qu’ils convoitaient si ardemment, les émigrants, disons-nous, soit par l’effet des circonstances, soit par suite d’un accord tacite, s’étaient partagé les deux régions de terres aurifères, selon leurs nationalités respectives.

La race latine, composée des Français, des Mexicains et généralement de la plupart des émigrants venus par mer et par conséquent d’Europe, car les Kanacks océaniens et les Chinois, qui plus tard devinrent si nombreux, n’avaient point paru encore, cette foule avide se dirigeait, par instinct, vers la région du Sud.

Puis tout leur manquait, ils établissaient tant bien que mal des camps provisoires aux environs d’Angeer, de Chinescamp, de Sonora et de Jamestown.

La race anglo-saxonne, elle, composée exclusivement des Américains du Nord, des Irlandais, des Anglais et des Allemands, campait dans la région septentrionale située sur la route de l’intérieur et des plaines de l’Est.

Rien de curieux comme les camps des émigrants, à cette époque, sur les placeres.

Chacun s’ingéniait selon sa fantaisie ou selon ses besoins, et établissait, dans la meilleure situation possible, sa tente, son jacal, espèce de cabane en feuillage, sa paillote ou son log-house.

Le matin, à l’aube, les mineurs sortaient presque en même temps de leurs demeures dans les costumes les plus bizarres, les plus pittoresques et surtout les plus excentriques.

Ils descendaient aux diggings pour laver la terre de leurs daims et commencer ainsi leurs rudes labeurs de tous les jours.

Les plus riches ou les plus industrieux, associés entre eux, se servaient du rocker ou cradle, tandis que les chercheurs d’or isolés, Mexicains pour la plupart et peu industrieux, n’employaient que la battee.

Tous les jours de la semaine, c’était le même travail, la même fatigue.

Le dimanche n’était consacré ni au repos ni au plaisir.

Ce jour-là, le travail changeait, voilà tout.

Les mineurs s’armaient de leur pic et de leur battee, et au lieu de rester sous leurs tentes ils se dispersaient de tous les côtés à la recherche de nouveaux placeres plus riches et plus abondants que ceux qu’ils exploitaient.

Ils donnaient à cette recherche le nom caractéristique de prospecter.

Les gambusinos mexicains surtout et les plus anciens mineurs possédaient exclusivement cette faculté extraordinaire presque instinctive chez eux, qui