Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/881

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de plus, quoi qu’ils soient si lestes à jouer du couteau, ils ont une horreur instinctive pour les armes à feu, dont, en général, ils ne savent pas bien se servir.

Le bandit s’arrêta :

— Que me voulez-vous, caballeros ? demanda-t-il d’une voix que la terreur faisait chevroter, est-ce mon argent ? Vous n’avez pas de chance alors, je ne possède pas un réal, je n’ai rien sur moi ! Hélas ! je ne suis qu’un pauvre paysano, un peon. Je gagne à peine…

— Trêve de jérémiades ! misérable ! nous te connaissons de reste ; ainsi n’espère pas nous tromper. Quelle est cette maison d’où tu sors ? Réponds et réponds vite.

— Je ne sais en vérité ce que vous voulez dire, caballeros.

— Prends bien garde à tes paroles et surtout, je te le répète, n’essaie pas de mentir, bribon, nous t’avons vu sortir de là…

— Sur la plaza Mayor ? fit-il pour gagner du temps.

— Oui.

— C’est la maison où habite ma maîtresse, señores, fit-il en affectant un air vainqueur, une blonde superbe !

— Fort bien, et comment se nomme-t-elle, ta maîtresse ?

— Elle se nomme…

— Parle, ou tu es mort.

— Je ne sais pas.

— Parfait ; alors je sais, moi, ce qui me reste à faire.

— Arrêtez, au nom du Seigneur, caballero, arrêtez !… je crois que je me souviens maintenant de son nom.

— Tu fais bien. Voyons, comment se nomme-t-elle, et ne mens pas surtout !

— Elle se nomme la comtesse doña Hermosa de Casa-Real. Elle n’est pas blonde ; au contraire, elle est très brune, avec des yeux qui brillent comme des escarboucles. Et, si elle est ma maîtresse, c’est qu’elle vient, à l’instant même, séduite sans doute par ma bonne mine, de me prendre à son service. Je fais les choses en conscience, vous le voyez, Seigneurie. Êtes-vous content de ces explications ?

— Pas beaucoup, mais ce n’est pas tout encore, picaro : maintenant, dis-moi quel était l’homme qui t’accompagnait lorsque tu es entré dans cette maison !

— Oh ! quant à lui, c’est le chef des regulators de la ville de San-Francisco, un personnage des plus respectables, Sam Roberts ; caraï ! il est bien connu.

— Ce n’est pas cela que je te demande. Son nom, vite.

— Je vous l’ai dit.

— Tu mens ou du moins tu essaies encore de mentir ; prends garde ! reprit l’inconnu en fronçant le sourcil.

Pendant ce rapide dialogue, Matadoce, qui avait repris tout son sang-froid et dont les bras étaient cachés sous son manteau, cherchait tout doucement à saisir son couteau qui était passé à sa ceinture.

— J’attends ta réponse, reprit l’inconnu d’une voix sourde.