Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/889

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tant de générosité ; aussi, soyez tranquille, vous serez satisfait de mon service. Maintenant que faut-il faire ?

— Écoutez-moi, dit l’arriero mayor en souriant avec bonhomie.

— Je suis tout oreilles.

— Ce caballero dont je vous ai parlé tout à l’heure et qui m’a loué ma recua est, à ce qu’il paraît, excessivement pressé d’arriver là-bas à San-Francisco.

— C’est sans doute un des grands négociants de la ville ?

— Je ne sais pas ce qu’il est, et de plus je vous avoue franchement que cela m’est parfaitement égal.

— À moi aussi, señor, répondit en riant le Breton, de plus en plus intéressé.

— En conséquence, reprit l’arriero mayor, comme, excepté quelques misérables ranchos disséminés de loin en loin sur la route, nous avons constamment à traverser les déserts horribles, ce caballero a fait en même temps prix avec moi pour que j’emmène, outre ma recua de mules de rechange, une caballeriza composée de trente mustangs des prairies.

— Afin d’avoir toujours des relais préparés ; je comprends cela.

— Voilà la chose.

— Et ces chevaux, vous les avez réunis sans doute, señor ?

— Caraï ! je n’y ai point manqué ; ce sont tous des mustangs à demi sauvages que j’ai lassés moi-même, il y a moins d’un mois, dans les repaires les plus inexplorés des prairies de l’Ouest, de belles et nobles bêtes, s’il en fut jamais, de véritables coursiers, je vous l’assure, avec lesquels on va comme le vent.

— Je m’en rapporte à vous.

— La caballeriza est réunie tout entière depuis plus de huit jours déjà, dans la coral du tambo de Guadelupe.

— Très bien ; en dehors de la ville, à une demi-lieue environ, sur la route de San-Francisco, señor, je vois cela d’ici. Ne m’en dites pas plus, c’est inutile.

— Oui, caballero, mes mozos de mulas les gardent ; ils sont cinq. Voulez-vous vous charger de diriger la manada ? Mes garçons seront placés sous vos ordres ; votre frère vous donnera un coup de main à l’occasion, et, de plus, il y aura non pas vingt piastres, mais quatre onces pour chacun de vous deux. Cela vous va-t-il ? Voulez-vous faire cela ?

— Je le crois bien, que je le veux ! señor ! s’écria-t-il joyeusement.

— Eh bien, alors, c’est une chose entendue, n’est-ce pas ?

— Parfaitement.

— Bon ! Attendez un instant. Et il appela : Eh ! Antonio !

— Voilà ! répondit un arriero en accourant auprès de lui.

— Surveille le départ, muchacho, j’ai certaines affaires à terminer, je vais partir un peu en avant avec ce caballero ; je vous rejoindrai à la sortie de la ville.

— Allez à vos affaires, nô Benito, je veillerai, soyez tranquille.

— Bien, muchacho, et merci ; venez, don Pacheco.