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— Dame ! vous comprenez, les chemins ne sont pas positivement sûrs de ces côtés-ci, fit nô Benito, il est bon de prendre ses précautions, si l’on ne veut pas courir le risque d’être arrêté en Toute ; et le señor voyageur, qui probablement ne se soucie pas sans doute d’être dévalisé par les pirates des prairies ou les Indiens bravos qui pullulent dans les environs, a pris avec lui une escorte de vingt-cinq hommes bien armés, en cas d’attaque ou de surprise.

— C’est prudent.

— Allons, à ce soir, don Pacheco ; partez, et bon voyage ! La caballeriza est déjà loin ; et voyez, voici là-bas la caravane qui passe la guarita de la ville et arrive grand train ; dans un quart d’heure elle sera ici.

— À ce soir et merci encore une fois, señor don Benito ! j’espère que vous serez content de moi, dit Yann Mareck en enfonçant les éperons dans les flancs de son cheval.

Edmée l’imita.

Les deux cavaliers partirent aussitôt ventre à terre,

L’arriero mayor était paisiblement demeuré devant le tambo, sa cigarette de paille de maïs à la bouche.

Lorsque la caravane passa devant le rancho quelques minutes plus tard, il n’eut que la peine de se joindre à elle.


XI

DANS LEQUEL LE MORT CONSEILLE LES VIVANTS

Laissons le fidèle Breton Yann Mareck et sa jeune et charmante maîtresse Edmée de l’Estang courir après la manada que nô Benito leur confiait si galamment et occupons-nous pour le moment de la caravane nombreuse commandée par le métis Marcos Praya, qui se dirigeait vers la ville de San-Francisco.

En général, dans l’Amérique espagnole, où le service des postes était, jusque dans ces dernières années, complètement inconnu, et où il l’est probablement encore, car dans ces singulières contrées bénies du ciel l’incurie est passée depuis longtemps à l’état chronique, on a remédié autant que possible à cette pénurie de moyens de communication par des relais volants, composés de chevaux à demi sauvages, galopant en liberté, et sur lesquels on monte en cas de besoin.

Cette réunion de plusieurs chevaux de relais se nomme, selon les localités, soit une manada, soit une caballeriza.

C’était, ainsi que nous l’avons dit, d’une de ces manadas ou caballerizas louée par le métis au señor don Benito Calaveras, etc., etc., dont Yann Mareck avait réussi à se faire confier la direction sur sa bonne mine.

La caravane marchait dans le plus bel ordre : en tête, à longue portée de