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Dès que la nuit fut venue, il monta à cheval et, suivi de dix cavaliers, il poussa aux environs une reconnaissance désespérée.

À minuit il rentra au camp, bredouille, comme disent les chasseurs.

Il n’avait rien découvert, rien vu et rien entendu.

À quatre heures du matin il recommença courageusement.

Le résultat fut le même.

Si les mystérieux ennemis de la comtesse de Casa-Real étaient en campagne, ainsi qu’elle le supposait, il fut contraint de s’avouer à lui-même qu’ils jouaient serré.

Il se jeta avec une rage froide sur l’amas de feuilles qui lui servait de lit.

Il chercha en vain le sommeil.

Marcos Praya avait le pressentiment sinistre, que les ennemis contre lesquels sa maîtresse luttait depuis si longtemps et avait si résolument entamé une lutte suprême, avaient tracé autour d’elle un cercle terrible, que ce cercle se resserrait de plus en plus et finirait à un moment donné, peut-être prochain, par l’étouffer, sans qu’il lui fût possible de s’échapper.

Au point du jour le camp fut levé et on se remit en marche.

— Eh bien, Marcos, demanda la comtesse au métis, qu’avez-vous découvert pendant vos rondes, cette nuit ?

— Rien, señora, répondit-il avec abattement, et cependant…

— Et cependant ? interrompit-elle, que voulez-vous dire ?

— Je veux dire, señora, que l’heure du dernier combat ne tardera pas à sonner, nos ennemis nous enveloppent, je les sens, je les vois sans pouvoir les atteindre.

— Moi aussi, murmura la comtesse d’une voix sourde et tremblante, en devenant subitement pâle comme un suaire.

— Que devons-nous faire, seora ? reprit le métis avec un accent d’hésitation étrange chez un pareil homme.

— Lutter quand même, cuerpo de Cristo ! reprit-elle avec violence, en le regardant fièrement en face, et, si nous devons tomber, ne tomber que morts, et sur un monceau de cadavres sacrifiés à notre vengeance.

Et, cravachant son cheval d’une main fébrile, elle partit au galop à travers la campagne, au risque d’être renversée par l’animal devenu furieux.

Marcos Praya la regarda s’éloigner d’un air pensif.

— Ma vie lui appartient, murmura-t-il avec tristesse, tout en la suivant du regard.


XII

DANS LE DÉSERT

Nous ne suivrons point nos voyageurs pas à pas dans leur longue pérégrination à travers le désert, cela nous obligerait à tomber dans des redites fatigantes pour le lecteur et qui ne sauraient avoir aucun intérêt réel.