Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/945

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pitié, le comte de Mauclerc, qui poussait des hurlements de douleur et se tordait comme un serpent contre l’arbre auquel il était attachera la grande joie des Indiens.

— Qui ? ce chien poltron qui pleure lâchement au poteau de torture, comme une vieille femme comanche ? dit le guerrier sioux avec mépris ; non, non, il ne mourra pas avant ce soir, au coucher du soleil.

— Mais songez, chef, que ses tortures sont atroces.

— Il ne souffre pas assez encore pour tout le mal qu’il a fait et celui qu’il a voulu faire, dit sèchement le chef.

Le comte de Warrens comprit, à l’accent dont ces paroles étaient prononcées, qu’il était inutile d’insister.

Il se résigna.

Tout à coup le sachem sioux poussa un cri terrible ; l’Épervier venait d’apercevoir enfin la comtesse de Casa-Real, assise sur l’herbe et gardée par Filoche.

— Ah ! chienne ! s’écria-t-il d’une voix terrible en lui jetant un regard féroce, tu as donc osé venir dans mon camp ! Attends ! attends ! c’est le Wacondah qui t’a conduite ici !

Et avant que les aventuriers, muets de surprise, songeassent à le retenir, l’Épervier les quitta et s’élança vers le comte de Mauclerc avec la rapidité d’une antilope.

Le chef sioux saisit brutalement le prisonnier par sa chevelure, brandit deux ou trois fois son couteau autour de sa tête avec un ricanement sauvage, et soudain il le scalpa.

É cette épouvantable mutilation, le comte de Mauclerc poussa un cri de douleur horrible, cri auquel les guerriers sioux répondirent aussitôt par des hurlements de joie, et l’Épervier revint tout courant vers la comtesse de Casa-Real.

Le redoutable chef indien brandissait à la main, avec des ricanements sinistres, la chevelure sanglante du prisonnier.

Il s’arrêta à deux pas de la créole, fixa sur elle un regard d’une expression railleusement cruelle, et, au bout de quelques secondes, posant brusquement la main sur elle :

— Chienne des Visages-Pâles, s’écria le sachem, en secouant la malheureuse femme par les épaules, tiens, voilà le prix de tes crimes… L’Épervier est un chef puissant et redouté dans sa nation, il ne tue pas les femmes…, il les châtie sans les frapper… Tiens.

Et il lui jeta brusquement la chevelure sanglante au visage.

La misérable femme se leva toute droite, l’œil hagard, tout le corps agité de mouvements convulsifs ; ses traits se contractèrent d’une façon épouvantable.

Tout à coup elle éclata d’un rire strident, elle bondit en avant en s’emparant vivement de la chevelure fumante encore, elle la pressa sur sa poitrine en s’écriant d’une voix qui n’avait plus rien d’humain :

— Mon enfant ! ah ! le voilà, le voilà, c’est lui ; mon enfant !

Elle retomba alors accroupie sur l’herbe, et désormais insensible à tout ce