jour, devant tout le monde ; sans que personne tentât de s’interposer, tant était grande la terreur inspirée par ces racoleurs taillés en hercule ; gens de sac et de corde et de plus assurés de l’impunité.
Les autres engagés étaient racolés dans les cabarets, les maisons borgnes ou les tripots de bas étage.
On enivrait ces pauvres diables, on leur faisait les promesses les plus fantastiques ; on leur promettait l’or et les diamants à foison ; aussitôt qu’ils débarquaient à Saint-Domingue après une longue traversée pendant laquelle, parqués sous les ponts comme des animaux, ils avaient enduré d’indicibles misères ; ils étaient vendus comme esclaves pour un laps de trois à cinq ans, aux habitants et aux boucaniers qui les traitaient comme des bêtes de somme ; et parfois, après les avoir roués de coups, les estropiaient et même les tuaient. Et cela, sans qu’il leur fût possible d’élever la moindre réclamation contre l’odieux guet-apens dont ils étaient victimes ; leurs réclamations n’étaient pas admises ; on riait de leurs plaintes ; bon gré mal gré, ils étaient contraints de courber l’échine et de demeurer esclaves.
Il est vrai que, s’ils ne succombaient pas à la peine, ce dur apprentissage terminé, ils étaient libres ; jouissaient des mêmes immunités que leurs anciens maîtres ; devenaient habitants, boucaniers ou flibustiers ; frères de la Côte enfin. Alors à leur tour, ils achetaient des esclaves et les traitaient absolument comme ils avaient été traités eux-mêmes, sans plus se souvenir des souffrances qu’ils avaient endurées, pendant les trois ou cinq ans de leur esclavage.
Le Coq était un excellent navire ; parfaitement accastillé, fin voilier, se conduisant bien à la mer et supérieurement disposé, pour les voyages spéciaux, exigeant un arrimage, et des aménagements intérieurs tout particuliers.
Quarante-huit heures environ, avant l’époque fixée pour le départ de son bâtiment, le capitaine du Coq revenait du Pollet, où il avait dîné avec un des agents de