— Suffit ! Je me comprends et tu me le paieras.
— Allons donc ! Tu es fou !
— Non, c’est toi qui l’es. Viens, il temps de nous retirer.
En parlant ainsi il se leva, solda la bouteille de vin qu’il avait à peine entamée, et tous deux quittèrent le cabaret.
L’Olonnais fut exact au rendez-vous qu’il avait donné au capitaine Guichard. À l’heure dite il arrivait à bord du Coq et se présentait au capitaine. L’appareillage était commencé ; une partie de l’équipage virait au guindeau pour déraper l’ancre, tandis que des matelots courant sur toutes vergues larguaient les voiles.
Après avoir serré de la façon la plus cordiale la main de son nouveau lieutenant, le capitaine Guichard lui fit indiquer par un mousse, la cabine qu’il lui destinait, afin qu’il y déposât son coffre ; puis son installation terminée, et ce fut l’affaire de quelques minutes, l’Olonnais prit immédiatement son service à bord.
Le premier individu, auquel il se heurta en montant sur le pont, fut Pitrians.
— Tu le vois, matelot, dit celui-ci en riant sans façon au nez de son ami, il n’y a pas que toi qui saches faire des sottises ; je ne m’en tire pas mal aussi, hein ?
— Est-ce que tu es embarqué sur le Coq ?
— Parfaitement ; aux mêmes conditions que toi ; seulement je ne suis pas officier, moi ; je ne suis que maître d’équipage ; mais je m’en bats complètement l’œil. Tu es vexé de me voir ici, n’est-ce pas, sournois ? Je te l’avais bien dit que tu me le paierais !
— Merci, Pitrians ; répondit l’Olonnais avec émotion, en lui serrant la main.
La conversation finit là. Quel besoin avaient-ils de s’en dire plus ? ils se comprenaient. Chacun se rendit où l’appelait son devoir.
Une heure après le navire le Coq dérapait et prenait la mer.
Les dix ou douze premiers jours de la traversée fu-