Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/122

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rent favorisés par une bonne brise et un temps magnifique ; ce qui fit supposer que le voyage s’accomplirait dans les meilleurs conditions.

Le duc de La Torre s’était tout de suite fait aimer de l’équipage par ses manières affables et sa générosité.

Les matelots de quart le voyaient avec plaisir se promener sur le pont en compagnie de la duchesse et de sa charmante fille. Dès que ces trois personnes paraissaient sur l’arrière, l’équipage s’éloignait respectueusement pour leur laisser la place nécessaire à leur promenade ; les matelots ne causaient plus entre eux qu’à voix basse, évitant avec le plus grand soin de se servir de ces expressions grossières, ou plus que lestes, dont ils ont l’habitude.

Mademoiselle Violenta de la Torre était surtout l’objet, non seulement d’un respect profond de la part de ces hommes presque primitifs, mais pour ainsi dire d’un culte. Ils professaient une admiration sans bornes pour cette jeune fille ; avec une crédulité naïve et touchante qui caractérise ces natures à la fois simples et énergiques, ils se figuraient que la présence à bord de cette ravissante enfant, portait bonheur à eux et au navire.

L’Olonnais était heureux, plus heureux qu’il n’avait jamais été ; à la vérité, il n’avait osé adresser la parole à la jeune fille autrement que pour échanger timidement avec elle quelques banales questions, sur le temps, la marche du bâtiment, ou la durée probable du voyage ; mais il n’était plus à présent absolument un étranger pour elle ; la douce et harmonieuse musique de sa voix, l’enivrait et faisait courir des frissons de bonheur dans ses veines ; et puis il la voyait chaque jour pendant plusieurs heures ; il pouvait de plus la contempler et l’admirer en secret. Aussi, nous le répétons, il était heureux.

Cependant une goutte d’absinthe ne tarda pas à tomber sur ce bonheur, et à le changer presque en amertume.

Sans qu’il s’en doutât, une conspiration horrible se