Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était un charmant cavalier de trente-deux à trente-quatre ans, d’une élégance suprême ; très au fait des usages de la cour ; et surtout possédant au plus haut degré ce talent, si rare, même à cette époque de galanterie quintessenciée, de dire des riens spirituels ; de raconter avec esprit des anecdotes souvent assez scabreuses, enfin de plaire aux dames sans affectation, et sans paraître leur faire la cour.

Deux jours avant le départ du Coq, le comte revenait d’une promenade assez longue qu’il avait faite à cheval sur la route d’Arques. Il était environ sept heures et demie du soir ; plongé dans des réflexions assez sérieuses et qui, à en juger par l’expression de sa physionomie ne devaient pas être couleur de rose, le jeune officier avait abandonné la bride sur le cou de son cheval, et le laissait marcher à sa guise ; liberté dont l’animal profitait, pour happer une touffe d’herbe, à chaque angle de la route.

Tout à coup deux hommes vêtus en matelots arrêtèrent le cheval par le mors.

Le comte redressa vivement la tête en portant la main à ses fontes.

— Que me voulez-vous ? demanda-t-il d’une voix menaçante.

— Vous rendre service ; répondit un des deux hommes, si vous êtes celui que nous cherchons.

— Qui cherchez-vous ?

— Le comte Horace de Villenomble, lieutenant en premier du vaisseau de la Compagnie, le Coq.

— C’est moi, dit-il.

— Alors veuillez nous suivre à quelques pas d’ici ; nous avons à vous faire une proposition avantageuse pour vous.

— Qui m’assure que vous ne me tendez pas un piège ? que vous ne voulez pas me faire tomber dans un guet-apens pour m’assassiner ?

— Allons donc ! vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites. Nous sommes sans armes. D’ailleurs c’est à prendre ou à laisser. Vous savez, monsieur le comte,