les hommes ; se jouait comme à plaisir, des choses les plus respectables ; poussait l’hypocrisie jusqu’à s’en être fait presqu’une seconde nature, la luxure jusqu’à la bestialité, l’avarice jusqu’au crime ; il ne reculait devant rien pour assouvir ces passions dominantes de son organisme. Son courage était celui de la brute, tuant pour tuer ; il éprouvait une féroce jouissance à faire couler le sang ou à le verser lui-même ; se délectant, se pourléchant à la vue des horribles souffrances de ses victimes, qu’il se plaisait à martyriser et à faire mourir dans d’effroyables tortures ; comme les brutes aussi, il avait ses heures de lâcheté ; mais sa nature perverse n’était susceptible ni de remords, ni d’aucuns sentiments de bonté ou de clémence ; tout était calcul en lui ; il n’avait de l’homme que l’apparence.
Tel était Bothwell, c’était plutôt un pirate avide, sanguinaire qu’un flibustier. Les frères de la Côte avaient pour lui une haine mêlée de mépris et de terreur. Quelques-uns d’entre eux, très-braves cependant, le redoutaient à ce point, qu’ils n’osaient contrecarrer ses moindres volontés, ou même résister à ses caprices.
Cet effroyable bandit avait, à plusieurs reprises, tenté de faire partie du conseil suprême de la flibuste ; mais toujours les chefs l’avaient impitoyablement repoussé ; aussi nourrissait-il une haine secrète et implacable, contre ces hommes qui l’avaient deviné, et avaient su par leur indomptable courage, échapper à la fascination exercée par ce misérable sur tous les autres, à se faire respecter et presque craindre de lui.
Parmi ces chefs de la flibuste, cinq étaient plus particulièrement ses ennemis ; il savait que ceux-là avaient découvert, toute la profonde perversité de son caractère ; qu’il leur était odieux et qu’ils ne le toléraient qu’avec peine à Saint-Domingue ; par conséquent il les redoutait davantage.
Ces cinq chefs étaient : Montbarts l’exterminateur, Ourson Tête-de-Fer, le Beau Laurent, Michel le Basque et Vent-en-Panne.