— Nous ne demandons pas mieux, capitaine, reprit Chanteperdrix, mais ces renseignements auxquels vous faites allusion…
— Sont positifs. Voulez-vous en juger ? soit ! vous vous cachez sous des noms supposés, cela n’a rien d’extraordinaire à la Côte ; la plupart d’entre nous, Montbarts, le beau Laurent, Ourson tête-de-fer, Veut-en-Panne, le Poletais, et tant d’autres en font autant ; vous êtes arrivés il y a quatre mois à Saint-Christophe, sur un bâtiment portugais ; d’où veniez-vous ? Quels noms portiez-vous alors ? peut-être pourrais-je vous le dire, et plus encore, si cela me convenait ; mais je n’aime pas à me mêler de ce qui ne me regarde pas ; d’ailleurs dans les îles nous ne demandons jamais compte à personne de sa vie passée ; son présent seul nous importe : nous acceptons chacun pour ce qu’il lui plaît de paraître ; vous vous faites passer pour des flibustiers de Saint-Christophe, on ne vous en a pas demandé davantage ; il n’en manque pas parmi nous ; cependant le bruit court que vous êtes dans les meilleurs termes avec les gavachos ; quelques-uns de nous croient même vous avoir aperçus à la Havane, seuls vous pourriez répondre à cette allégation ; il est certain pour nous tous qu’un grand intérêt vous a conduits dans les îles. Quel est cet intérêt ? je l’ignore ainsi que tous mes compagnons.
— Ah ! fit le Chat-Tigre en souriant.
— Oui ; reprit froidement le boucanier ; mais nous le soupçonnons, moi surtout.
— Et cet intérêt ?… demandèrent les deux hommes, avec une légère altération dans la voix.
— Ne saurait être qu’une vengeance.
— Une vengeance ! s’écria le Chat-Tigre en pâlissant malgré sa puissance sur lui-même.
— Allons donc ! fit Chanteperdrix, avec un sourire forcé ressemblant à s’y méprendre à une grimace.
— Ce que j’admire le plus dans tout cela, reprit le Chat-Tigre, avec une feinte légèreté, c’est la facilité avec laquelle on forge des histoires en ce pays, et la créance