l’oreille dans les conseils les plus secrets des Rois. Rien ne se trame contre nous, sans que nous en soyons immédiatement informés. Personne ne débarque à la Côte, ajouta-t-il en pesant avec intention sur les mots, sans que nous sachions à l’avance qui il est.
— Quelle police ! s’écria Chanteperdrix.
— Oui ; elle est admirablement faite, reprit Bothwell avec bonhomie ; cela prouve le haut degré de civilisation auquel nous sommes parvenus. Règle générale, plus un gouvernement est civilisé, plus un gouvernement est fort, plus la police est nombreuse et habilement faite. En France par exemple, ajouta-t-il avec une mordante ironie, il n’existe pas un individu qui ne soit espionné par un autre. Cela tient à la civilisation avancée, et aux progrès incessants faits par les Français en philosophie pratique. Aussi je le constate à la honte des gouvernements Européens, jamais leur police, si bonne qu’elle soit, n’atteindra un tel degré de perfection. À moins toutefois que ce ne soit chez les Moscovites, qui, dit-on, marchent rapidement à coups de sabre, vers la civilisation ; avant un siècle, ils auront, grâce à l’excellence de leur police, surpassé les autres nations plus anciennes. À propos connaissez-vous la France ? ajouta-t-il d’un air narquois.
Pris à l’improviste par cette question à bout portant, les deux hommes tressaillirent, mais se remettant au plus tôt :
— Non ; répondirent-ils.
— Ah !… tant pis. Je suis allé en France, il y a quelques années ; je vous assure que c’est un pays très-curieux ; il y a là un Roi tout mignon, juché sur de grands talons rouges, peut-être afin que le sang ne s’y voie pas. Ce petit bonhomme a pris on ne sait pourquoi le soleil pour emblème, et depuis qu’après avoir un jour menacé son parlement de la cravache, il a dit : l’État c’est moi ! il se fait adorer par ses sujets, dont il est beaucoup plus redouté que s’il était vraiment Dieu. C’est fort drôle en vérité ; dès que vous aurez terminé votre