nous déguiserons et nous descendrons à terre, non pas à Léogane, mais à Port-de-Paix, où nous prendrons langue.
— D’ailleurs nous avons là-bas de bons amis, chez lesquels au besoin nous nous cacherons.
— Non pas, mon frère, interrompit Chanteperdrix, nous ne devons nous faire voir à aucune de nos connaissances ; il est au contraire très-important pour nous et pour la réussite de nos projets, de conserver le plus strict incognito ; je me souviens des paroles du capitaine Bothwell à propos de la façon dont la police est faite à Saint-Domingue ; du reste, cher ami, moins notre présence sera remarquée, plus il nous sera facile d’obtenir les renseignements que nous désirons.
— En effet, je n’avais pas songé à cela, laisse-moi maintenant te donner une nouvelle.
— Intéressante ?
— Je le crois ; pour toi surtout ; du reste le hasard a tout fait ; c’est donc lui que tu auras à remercier. Voici la chose en deux mots. Cette après-dînée, je me promenais je ne sais trop pourquoi aux environs du gouvernement, lorsque j’entendis parler derrière la haie de cactus cierges servant de clôture au jardin de M. d’Ogeron ; deux personnes causaient tout en suivant une allée ; ces deux personnes étaient le gouverneur et son neveu M. Philippe d’Ogeron.
— Le célèbre boucanier ?
— Lui-même. M. Philippe d’Ogeron s’étonnait que Mme la duchesse de la Torre parlât aussi purement le français et sans accent, ce qui lui paraissait extraordinaire de la part d’une Espagnole…
— Bon ! que nous font ces histoires ? interrompit Chanteperdrix en haussant les épaules ; que nous importe ce nouveau Vice-Roi du Mexique ou du Pérou, je ne sais pas au juste ?
— Peut-être plus que tu ne penses, cher ami, écoute seulement la réponse du gouverneur.
— Allons, parle, bavard implacable et finis au plus vite.