Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/260

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— Tu te repentiras de cela, mon mignon ! D’ailleurs ma vengeance est toute prête, la voici : mon cher Philippe, répondit le gouverneur, je ne vois rien que de très-naturel à ce que Mme la duchesse de la Torre parle correctement le français ; elle n’est point Espagnole, mais Française ; elle appartient à une des grandes familles italiennes venues en notre pays à la suite de la Reine Catherine de Médicis ; c’est une Manfredi-Labaume tout simplement.

— Comment ! s’écria Chanteperdrix, la Duchesse serait ?…

— Dame ! répondit l’autre en ricanant, c’est M. d’Ogeron qui l’a dit, il doit le savoir, je suppose.

Chanteperdrix était livide, un tremblement convulsif agitait tous ses membres.

— Tu ne me trompes pas ? reprit-il d’une voix sourde en fixant un regard inquisiteur sur son compagnon.

— J’ai dit vrai, sur l’honneur.

— Plus que jamais, je dois à présent rester à Saint-Domingue, du moins pendant tout le temps qu’elle y résidera ; retournons à bord, il nous faut tout préparer ; puis nous redescendrons à terre.

— Ici, à Léogane ?

— Oui, ici à Léogane ; après ?

— Tu es fou, cher ami, songe donc que nous ne pourrons pas faire un pas sans être reconnus.

— Nous prendrons nos précautions, d’ailleurs quand on nous reconnaîtrait ! que m’importe !

— Mais enfin que prétends-tu faire ? que veux-tu ?

— Ce que je veux ?

— Oui.

— Je veux la voir ! s’écria-t-il avec un accent impossible à rendre.

Et sans attendre son compagnon, il se dirigea à grands pas vers la pirogue.

— Cordieu ! grommela entre ses dents le Chat-Tigre, tout en le suivant d’un pas plus modéré ; cordieu ! j’ai merveilleusement travaillé, moi ! quel besoin avais-je de