contre lequel, ne le connaissant pas, tu ne saurais nourrir aucun sentiment de haine ; considérant en sus, qu’en agissant ainsi, tu as manqué à ton serment, par lequel tu es obligé à voir dans tout flibustier, un ami, un frère, avec lequel il t’est interdit formellement d’avoir une querelle, sans l’assentiment du conseil et pour des motifs sérieux ; ledit conseil te déclare chassé de l’association ; comme tel déchu de tous les droits et prérogatives dont tu jouissais en qualité de Frère de la Côte ; ordonne que tous les ports occupés par les flibustiers te seront interdits ; que tous rapports seront rompus avec toi, comme ayant forfait aux lois et à l’honneur de l’association. Le conseil ordonne en sus, que tu quitteras Saint-Domingue aujourd’hui, avant midi, pour ne jamais plus en approcher ; et que en sus, tu paieras une amende de quinze mille piastres ; laquelle somme sera partagée entre les plus nécessiteux Frères de la Côte ; te déclarant que, faute de solder la dite amende, ton navire mouillé en ce moment sur la rade de Léogane, sera saisi et vendu, au profit des mêmes Frères de la Côte malheureux.
— Je suis seul et désarmé au milieu de vous, mes maîtres, répondit le pirate avec un sourire sinistre ; je ne puis vous empêcher de faire de moi ce qui vous plaira ; quant à mon navire, c’est autre chose ; il est solide, fin voilier, bien armé ; j’ai de plus un équipage nombreux et fidèle, je vous mets au défi de le saisir, il est hors de votre portée.
— Vous vous trompez, capitaine, répondit le beau Laurent ; votre navire a été il y a trois heures enlevé par surprise ; il est maintenant entre nos mains, placé sous le commandement de notre frère Ourson Tête-de-Fer, que vous connaissez.
— Oh ! démons ! s’écria-t-il avec rage, c’est bien joué ! mais j’aurai ma revanche.
— Qu’à cela ne tienne ? nous sommes hommes à vous répondre. Paierez-vous ? reprit le beau Laurent toujours de marbre.
— Oui ! dit-il, mais je le jure, je me vengerai !