Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/281

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mieux renseignés avant que de pousser notre pointe plus loin.

— Tu as raison, matelot, je n’avais pas remarqué ces arbres ; ton avis est donc que nous nous terrions comme des lapins, sous ce couvert, en attendant le retour de notre batteur d’estrade ?

— C’est cela même ; je ne vois pas ce que nous pourrions faire de mieux ; quand à présent du moins, surtout par cette effroyable chaleur.

— Oui, le soleil chauffe en diable ; va, pour le couvert ; nous déjeunerons et ensuite nous dormirons pendant quelques heures ; cela nous rendra plus dispos, pour ce que nous voulons faire.

Les deux frères de la Côte firent alors un crochet sur la droite, et toujours suivis pas à pas par leurs chiens et leurs engagés, ils s’enfoncèrent résolument sous le couvert épais, dont ils devaient, jusqu’à nouvel ordre, faire leur demeure.

Après avoir marché dans une obscurité presque crépusculaire, pendant environ dix minutes, ils atteignirent une charmante clairière de médiocre dimension, traversée par un ruisseau limpide, dont les eaux fuyaient en murmurant sur les galets, à travers les euphorbes et les asphodèles ; cet endroit pittoresque et isolé, leur parut favorable pour établir leur campement.

Les engagés dressèrent les tentes, sur les bords mêmes du ruisseau.

Les voyageurs ouvrirent leurs bissacs ; en retirèrent des biscuits de mer, de longues tranches de viande boucanée, et flibustiers et engagés, commencèrent à déjeuner de bon appétit et de compagnie, selon la coutume des frères de la Côte ; arrosant leur frugal repas d’eau-de-vie coupée d’eau, pour en enlever la crudité.

Le repas terminé et il ne fut pas long, ils se privèrent par prudence d’allumer leurs pipes ; mais confiants dans la vigilance de leurs venteurs et leur haine invétérée pour les Espagnols, ils s’étendirent sur l’herbe sans plus de façons ; cinq minutes plus tard, grâce à la chaleur,