Le Poletais ne réussit que très-difficilement à obtenir de lui, de passer la nuit au boucan ; il ne s’y décida que lorsque son ami lui eut donné à entendre, qu’il considérerait presque son départ comme une insulte.
Cette affaire vidée, et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Vent-en Panne se mit à table avec ses compagnons ; c’est-à-dire qu’il s’assit sur l’herbe, une feuille de bananier posée devant lui en guise d’assiette, une igname à sa droite, de la pimentade dans une calebasse, et le sanglier exhalant un fumet délicieux, posé au centre du cercle.
Le repas fut ce que sont les repas de boucaniers ; chacun armé d’un couteau, coupa un morceau à sa convenance, mangea à son appétit, sans prononcer une parole ; puis lorsque chacun fut repu, les restes furent impartialement partagés entre les venteurs, qui, assis sur leurs queues et les regards flamboyants, avaient assisté au repas, en se léchant, faute de mieux, désespérément les babines.
Dans les Antilles, les jours et les nuits sont égaux, le soleil se lève à six heures et se couche à six heures ; il n’y a pas de crépuscule, à peine le soleil a-t-il disparu que la nuit est faite.
Les boucaniers, dont l’existence était excessivement rude, se couchaient avec le soleil et se levaient avec lui.
Le Poletais voulut par politesse, fumer quelques pipes avec son vieux camarade ; mais au bout d’une demi-heure, il fut contraint de renoncer à lui faire plus longtemps compagnie ; il dormait littéralement debout. Vent-en-Panne le pria de se livrer au repos, et comme le boucanier s’en défendait, il lui objecta que lui-même se sentait fatigué et que le sommeil lui fermait déjà les yeux ; sur ce, ils se séparèrent et chacun se glissa sous sa tente.
Ce n’était pas dans une idée de confort que les frères de la Côte portaient sans cesse en bandoulière une tente en toile très-fine ; cette tente leur était indispensable ; Il leur eut été impossible de rester une seule journée dans