— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria-t-il.
— Quoi donc ? demanda le comte d’un air indifférent.
— Lisez cette lettre.
— C’est inutile, docteur, je sais ce qu’elle contient ; c’est à ma prière que l’amiral comte de Chabannes a consenti à vous l’écrire.
— Eh quoi, vous avez donné votre démission de capitaine de frégate ?
— Oui.
— Vous vous êtes battu en duel ?
— Avec le chevalier de Coigny, oui, docteur.
— Et…
— Et j’ai été tué, interrompit-il de la même voix légèrement railleuse ; mais rassurez-vous, cher docteur, si je suis mort pour tous, pour vous, mais pour vous seul, je suis bien vivant.
— Mais au nom du ciel, pourquoi ?…
— Parce que, dit le comte avec une certaine vivacité, implacable pour les autres, je dois l’être pour moi ; je m’applique à moi-même la loi du talion ; après avoir jugé les coupables, je me suis jugé ; comme eux, je disparais. Peut-être, ajouta-t-il d’une voix profonde, Dieu me pardonnera-t-il de m’être fait justice à moi-même, devant le châtiment terrible que je m’impose.
— Mon ami, s’écria le docteur d’une voix tremblante d’émotion, j’admire votre grandeur d’âme, mais, je vous en supplie, songez à votre mère, songez à votre sœur !
— Docteur, j’ai réfléchi ; ma résolution est prise ; n’insistez donc point, ce serait inutile.
— Hélas ! murmura le docteur, en baissant la tête avec accablement.
— Prenez ces papiers, continua le comte ; il faut en finir, mon vieil ami, cette scène me tue ; si cela durait une heure encore, je deviendrais fou ou je tomberais mort à vos pieds.
— Je vous obéis, répondit le docteur, en prenant