Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/104

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établir et prouver mon identité et mon honorabilité ; au lieu de cette hospitalité, à laquelle j’ai droit, je me trouve en butte aux soupçons ; presque incriminé, et pourquoi ? parce que je m’occupe tout simplement de mes affaires, sans m’embarrasser de ce que font les autres ; on scrute ma pensée, on m’accuse presque d’être un bandit, un démon, que sais-je ! Dios me libre ! je veux dès aujourd’hui en avoir le cœur net ; je vais me rendre l’instant chez l’alcade, faire viser mes papiers ; ce soir même j’aurai quitté la ville.

— Ne faites pas cela, cher señor ; cette démarche vous serait plus nuisible que vous ne le supposez.

— Mais enfin, señor don Pedro, vous conviendrez avec moi, qu’il est singulier qu’on aille jusqu’à me reprocher d’entrer dans une maison, plutôt que dans une autre, pour vendre mes marchandises.

— Voilà précisément le malheur, señor, c’est que cette maison dans laquelle vous êtes entré, en toute sûreté de conscience, j’en suis convaincu, est presque mise à l’index dans la ville.

— Comment, la maison du duc de la Torre ! le vice-roi du Pérou !

— Eh mon Dieu oui ! le duc de la Torre, le vice-roi du Pérou ! remarquez bien que je suis en dehors de toutes ces choses ; je ne cherche qu’à vous instruire afin de vous éviter des ennuis regrettables ; vous ne connaissez personne à la Vera-Cruz, puisque vous y venez pour la première fois. Eh bien, il importe que vous sachiez ceci : Le duc de la Torre est presque français ; son père exilé pour haute trahison est mort en France ; le duc de la Torre actuel a épousé une française ; on ignore grâce à quelle influence S. M. C. notre roi Charles II, a daigné le nommer vice-roi du Pérou ; le roi Louis XIV a prêté au duc, pour venir en Amérique, un bâtiment qui a fait une longue relâche à St-Domingue.

— Bon ! que me fait tout cela ? dit l’Olonnais avec une feinte surprise.