Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/187

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Enfin ils atteignirent un bois taillis, peu éloigné du village, et s’y engagèrent ; arrivés à une espèce de carrefour, où plusieurs sentiers aboutissaient, l’Olonnais arrêta son cheval et mit pied à terre.

— Ah ! fit Pitrians, avec un sourire de satisfaction, il paraît que c’est ici que nous nous arrêtons ?

— Oui, provisoirement, répondit l’Olonnais avec un fin sourire.

— Bah ! est-ce que nous commençons un voyage ?

— Qui sait ? reprit le jeune homme.

Les deux hommes s’étendirent sur l’herbe ; se reposant avec délices, sous l’ombre touffue des liquidembars, de la chaleur qu’ils avaient supportée pendant leur longue course en plein soleil.

— Tu n’as pas été intrigué de mon long silence ? demanda l’Olonnais.

— Moi ? pas le moins du monde ; pourquoi voudrais-tu que je fusse intrigué ? j’ai supposé que si tu ne disais rien, c’est que tu n’avais rien à dire, ou que peut-être l’endroit ne te semblait pas bien choisi pour une conversation intime.

— Tu as parfaitement deviné, l’endroit ne me semblait pas favorable, en effet ; j’ai préféré te conduire en rase campagne ; ici du moins, nous pouvons causer tout à notre aise sans craindre les espions.

— Et Dieu sait s’il y en a dans ce pays béni du ciel ! s’écria Pitrians en riant.

— Oui, il n’en manque pas, reprit l’Olonnais ; tu ne saurais t’imaginer, cher ami, la terreur que j’éprouve à présent pour les chambres d’auberge ; je crois toujours sentir quelque espion grouiller derrière ma porte et apercevoir son œil sinistre me regardant par le trou de la serrure.

— Oh ! dame ! que veux-tu, nous sommes dans le pays de l’inquisition.

— Oui, c’est vrai ; mais c’est égal, c’est dur ; nous avons reçu ce matin une leçon qui ne doit pas être perdue ; surtout il faut éviter avec soin de nouveaux dé-