Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il y a quelque chose là-dessous, murmura-t-il ; est ce que mon gaillard aurait fait, pour les pieds de son cheval, ce que nous faisons pour nos avirons, et les aurait garnis au portage ? c’est bien possible !

Pitrians s’était embusqué derrière un énorme tronc d’arbre que le cavalier mystérieux devait presque frôler en passant ; lorsque celui-ci ne fut plus qu’à deux ou trois pas, Pitrians sans se montrer dit à voix haute.

— Quel motif si sérieux oblige donc don Pedro Garcias à se promener de nuit dans la campagne ; en chaussant de feutre les pieds de son cheval, afin d’étouffer le bruit de ses pas ?

— Au diable les précautions ! dit celui-ci, d’un ton de mauvaise humeur ; qui es-tu donc, l’ami, toi qui me connais si bien et que je ne vois pas ?

— Je suis un ami, en effet, señor don Pedro ; répondit le jeune homme en sortant de son embuscade.

— Attends que je te dévisage, beau ténébreux ; dit le Mexicain, puis ensuite nous causerons, tout en répondant ainsi ; l’haciendero avait pris une cigarette toute faite qu’il portait derrière l’oreille, avait battu le briquet et l’avait allumée.

— Ah ! ah ! fit-il, c’est vous, compagnon ? enchanté de vous voir, mais permettez-moi de vous retourner votre question ; que diable avez-vous à vous promener ainsi de nuit ?

— Je fais ce que vous faites, pardieu !

— Comment ce que je fais ?

— Eh oui ! voyons, soyez franc, don Pedro ; ce que je vous ai dit vous a mis la puce à l’oreille, n’est-ce pas ? l’inquiétude s’est emparée de vous et poussé par votre bon cœur, au lieu de vous coucher tranquillement, comme vous auriez dû le faire, vous vous êtes mis à ma recherche, pour voir si vous ne pourriez pas m’être utile à quelque chose ?

— Eh bien ! puisque vous devinez si bien, compagnon, je ne finasserai pas avec vous ; ce que vous dites est la vérité ; puis-je vous servir ?